Quelle allégresse est dans l'âme

De notre bon roi Louis !

Compère, on dit que sa femme

Vient de lui bailler un fils.

Je crois qu’ils feront sans peine

Et, morgué, sans les compter

Des dauphins une douzaine,

Je n’aurons qu’à souhaiter.

Sitôt qu’aux yeux de sa mère

Parut ce prince charmant,

Elle ne se souvint guère

Des maux de l’enfantement

Et chacun lui faisant fête

Vit bien à son air content

Qu’elle n’avait dans la tête

Que d’en faire encore autant.

Que nos récoltes sont belles !

Par la mardi, le biau temps !

Vois-tu quel tas de javelles

J’aurais tiré de nos champs.

Toute sorte d’abondance

Accompagne ce dauphin

Et pour boire à sa naissance

Il nous apporte du vin.

Palsangué, faisons voyage ;

Quittons et champs et labour

Sans barguigner davantage,

Compère, allons à la cour

Et si du Roi, notre sire,

L’on nous permet d’approcher,

Je saurons bien que lui dire

Sans rougir, ni sans broncher.

Hé oui, morgué, sans vergogne

Je lui dirons en effet,

Sire, de votre besogne

Chacun est fort satisfait.

Du fond de notre village,

À vous, à la Reine aussi,

Je venons sans équipage

Vous en dire grand merci.

Si je prenons la licence

De lui faire un entretien,

Tu peux être en assurance

Qu’il nous écoutera bien,

Car il ne s’entête guère

De sa haute qualité,

Et pour ses sujets, compère,

Il n’eut jamais de fierté.

Pour la reine qu’on renomme

Dans tous les champs d’alentour,

Hé, ne sait-on pas bien comme

Elle nous aime à son tour.

Pardi, notre affaire est bonne :

Quoique simples villageois,

Je charmerons sa personnne

Dès que je somme François.

Malgré la foule importune

Des courtisans tout bouffis,

Peut-être, encore de fortune

Je pourrons voir ce biau fils

Lui disons, Dauphin de France

Qu’enfin j’avons obtenu,

Vous nous portez bonne chance

Or soyez le bienvenu.

Je visiterons encore,

M’est avis que je le vois,

Ce cardinal qu’on adore

Parce qu’il sert bien son Roi.

C’est par ses conseils de père

Que la paix règne en ces lieux,

Que dans nos champs tout prospère

Et qu’ils font des envieux.