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Les Musiciens du jour

Les musiciens du jour
Grétry, plein d’esprit et de grâces,
Et savant sans être profond,
De personne ne suit les traces
Et fait pourtant mieux qu’ils ne font.

Quand Martini1 , plein de génie,
Dans la carrière s’est lancé,
Il fait dire à la poésie
Ce qu’elle n’avait pas pensé.

Piccini, moins brillant sans doute,
Mais peut être aussi peu soigné,
Vers le cœur a pris une route
Que Gossec2 a trop dédaignée.

A la musique italienne
Pour accoutumer le Français,
Philidor avait pris le biais
De l’entremêler de la sienne.

Il vous réservait cet honneur ;
Sacchini3 , dieu de l’harmonie ;
Car c’est bien vous et non l’auteur
Qu’il aime dans la colonie.

Un moment a brillé Duni4 ,
Il est mort avec son Urgèle5 ,
Et pour l’enterrer, Monsigny6 ,
Fit chanter Arsène la Belle.

Quant à Vachon, quant à d’Herbain,
Quant à Louis, quant à La Ruette,
Quant à Desède avec Campein,
Ils font fort bien une ariette.

Ces six talents sont bien petits,
Quand on les compare au grand homme7 ,
Né dans Vienne, formé dans Rome,
Et le dieu de tout pays.

  • 1Jean‑Paul Martini, compositeur d’origine allemande avait débuté en 1771 au Théâtre‑Italien par la musique de l’Amoureux de quinze ans,qui obtint un grand succès et lui valut le titre de directeur de la musique du prince de Condé. Quelques années après, il passa, en la même qualité, dans la maison du comte d’Artois et acheta ensuite la survivance de la charge de surintendant de la musique du Roi. (R)
  • 2François‑Joseph Gossec, compositeur belge, qui s’était fait connaître dès 1754 par de remarquables symphonies fut le fondateur de l’École royale du chant, créée par un arrêt du Conseil du 3 janvier 1784, et qui devint plus tard le Conservatoire de musique.
  • 3 Antoine Sacchini, compositeur italien, avait déjà produit plus de cinquante opéras, lorsqu’il vint se fixer à Paris en 1782. La protection de la Reine, qui l’avait nommé son maître de musique, lui permit de faire jouer à l’Académie royale Renaud et Chimène ; mais les cabales dirigées contre lui empêchèrent la représentation de son chef-d’œuvre, Oedipe à Colone, qui ne fut représenté qu’après sa mort, le 1er février 1787. (R)
  • 4Égide Duni, compositeur napolitain, s’était fixé à Pans en 1757 et y avait fait représenter dix‑huit opéras accueillis presque tous avec succès. (R)
  • 5La Fée Urgèle, représentée en 1765. (R)
  • 6Pierre‑Alexandre de Monsigny, compositeur lyrique avait débuté au théâtre de la Foire en 1759 par la partition des Aveux indiscrets, suivie peu après de On ne s’avise jamais de tout, dont l’immense succès inquiéta la Comédie-Italienne qui sollicita et obtint la fermeture du théâtre forain, en s’appropriant ses meilleurs acteurs. Ce fut pour ces deux théâtres réunis que Monsigny composa successivement le Roi et le Fermier, Rose et Colas, Aline, reine de Golconde, le Déserteur qui fut son chef-d’œuvre, le Faucon, la belle Arsène, le rendez-vous bien employé, et Félix, son dernier ouvrage représenté en 1777. (R)
  • 7Gluck.

Numéro
$1527


Année
1783




Références

Raunié, X,89-91