Motion des harengères de la Halle

Ces grands États généraux

F’ront-ils du brouet d’andouille ?

Ces Messieurs s’ront-ils si sots

Que d’s’en retourner chez

eux bredouille ?

Quand par miracle un bon Roi

Veut faire l’bien et d’si bonne foi.

Si c’était nous qu’étions là

On dirait, c’est de la canaille,

Mais des beaux Messieurs com’ça

Au lieu de s’entendre ça s’chamaille

Ça bou [sic] du thé aux Anglais

Com’ils vont s’foute des Français.

C’n’est pas dans les plus petites gens

Qu’est la plus grande canaille,

C’est dans ces chiens d’parlements,

Dans c’te noblesse et c’te mitraille,

C’n’est pas leux Roi si loyal

Qu’ils aimont, c’est l’coffre Fort-Royal.

Com’ils faisont leux fendants

Ces gentis-hommes antiques

Dont les ayeux y a vingt ans

Étaient des seigneurs en boutiques

Grâce à l’argent les voici

Pu fiers que les Momorency.

Ils se croyont les égaux

De l’Éminence et de l’Altesse,

Ils n’voyont pas les nigauds

Que la grandeur croît de leur petitesse

Por les singer, comme Raton

Veut tirer du feu les marrons.

C’a méprise l’tiers-état,

C’est l’enfant qui bat sa mère,

Mais lasse enfin du sabat,

La maman s’met en colère,

Elle empoigne l’cher enfant

Et vous lui fout l’fouet jusqu’au sang.

Au lieu d’payer ses tyrens [sic]

N’voulont qu’pêcher en eau trouble

Et plus nos malheurs sont grands,

Plus leur avidité redouble.

Quand le feu prend aux maisons

Ça fait la fortune aux larrons.

L’parti l’meilleur est l’plus court

Il est temps qu’tout ça finisse

Pour quelques gredins d’la Cour

Faut-il que la France périsse

Le peuple avec l’Roi d’accord

Ne peut manquer d’être l’plus fort.

Si les Grands troublent encor

Que le Diable les confonde

Et puisqu’ils aiment tant l’or

Que dans leur gueule en en fonde.

Voilà les sincèrs vœux

Qu’les harengères font pour eux.