Sans titre
Ma bonne amie, a dit Luçon1 ,
L’objet de ma tendresse,
Puisque nous vivons sans façon
Comme amant et maîtresse2 ,
De ce coffret3 je vous fais don
La faridondaine, la faridondon
Connaissez la clef, la voici
Biribi
A la façon de Barbari
Mon ami.
Je vous demande le secret4 ,
Ne dites à personne
Quel est là-dessus mon projet
Ni ce que je vous donne ?
Langhat en serait furibond
La faridondaine, la faridondon
Ne vous faites point d’ennemi
Biribi
A la façon de Barbari
Mon ami.
Non, Monseigneur, dit la Rovrai,
Et sans que l’on le sache,
Car malgré ma précaution
La faridondaine, la faridondon
De nous bien du monde médit,
Biribi
A la façon de Barbari
Mon ami.
Par malheur peu de temps après
Certaine apoplexie
Comme si l’on eût fait exprès
L’ôta de cette vie5 .
La Rovrai n’en sut rien, dit-on,
La faridondaine, la faridondon
Que le lendemain à midi
Biribi
A la façon de Barbari
Mon ami.
Elle y courut diligemment.
Tout est à moi, dit-elle,
Et réclame le testament.
Mais on se moqua d’elle.
Bientôt elle intente action
La faridondaine, la faridondon
Le procès se suit à Paris
Biribi
A la façon de Barbari
Mon ami.
Pour dire tout au long le vrai,
Du châtelet sentence
Donne gain de cause à Rovrai.
Mais Langhac6 s’en offense
Et Brousse dans un beau factum
La faridondaine, la faridondon
Cette sentence anéantit
Biribi
A la façon de Barbari
Mon ami.
Il prétend que le testament
N’est qu’une simple lettre
Qu’écrit à sa belle un amant.
Il eût dit plus, peut-être,
Mais il eut admonition
La faridondaine, la faridondon
De par Monseigneur de Fleury7
Biribi
A la façon de Barbari
Mon ami.
- 1 Chanson sur M. Rabutin, évêque de Luçon, fils du fameux Bussy Rabutin, mort le 3 novembre 1736 dont les héritiers viennent d’intenter procès à Madame de Rovray et d’appeler d’une sentence du Châtelet au Parlement. (Castries)
- 2 Cet évêque avait acheté une maison au Port à l’Anglais où il se retirait en particulier avec la dame de Rovray. (Castries)
- 3 C’était une cassette que l’évêque laissait chez la dame de Rovray toutes les fois qu’il voyageait, mais qu’il gardait chez lui avant à Paris. (Castries)
- 4 Dans cette cassette était un écrit adressé à Mme de Rovray par lequel il disposait de quarante-neuf actions, tant pour ses domestiques que pour Mlle de Rabutin et laissait les cinquante et une autres à Mme de Rovray. (Castries)
- 5 Il mourut à Paris sans pouvoir parler, la cassette étant dans l’armoire de sa bibliothèque.(Castries)
- 6 Langhac, fils de la marquise de Coligny, neveu de l’évêque. (Castries)
- 7 M. le cardinal de Fleury fit dire à Brousse, avocat, de songer à ménager l’épiscopat. (Castries)
Mazarine Castries 3987, p.248-52