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Les Pantins

Les pantins1
Il manquait à nos Français
Un degré d’extravagance,
Il manquait à nos Français
D’être fous jusqu’à l’excès ;
Tous ces pantins qu’ils ont faits
Éternisent à jamais
De leur esprit la démence,
Du vertige le progrès.

Tout Paris a ces accès,
Tout Paris tombe en enfance,
Tout Paris a ces accès,
Des maîtres jusqu’aux valets
Et les magistrats benêts
Feront bientôt au Palais
Danser pendant l’audience
Des pantins dans leurs bonnets.

Oui, je le pardonnerais
Aux petits-maîtres de France,
Oui, je le pardonnerais
A tous ces abbés coquets.
La mode le leur permet ;
Ces petits colifichets
Peuvent bien sans conséquence
Faire danser leurs portraits.

Le Carrache et le Poussin,
Malgré leur science infuse,
Le Carrache et le Poussin
Aujourd’hui mourraient de faim.
A tout brimbaler enclin
Chacun s’imagine enfin
Qu’un peintre n’est qu’une buse
S’il ne sait faire un pantin.

Tandis que certains nigauds
A leur devoir se refusent,
Tandis que certains nigauds
Font gambader ces marmots,
Leurs femmes plus à propos
Usant de ces jeux nouveaux,
Avec des pantins s’amusent
Qui sont faits de chair et d’os.

 

  • 1 - « Dans le courant de l’année, on a imaginé à Paris des joujoux qu’on appelle des pantins, pour d’abord faire jouer les enfants, et qui ont servi ensuite à amuser tout le public. Ce sont de petites figures faites de carton, dont les membres sont séparés, et attachés par des fils pour pouvoir jouer et remuer. Il y a un fil derrière qui répond aux differents membres, et qui, faisant remuer les bras les jambes et la tête de la figure, la font danser. Ces petites figures représentent un arlequin, Scaramouche, mitron berger et bergère, etc., et sont peintes en conséquence de toutes sortes de façons. Il y en a eu de peintes par de bons peintres, entre autres par M. Boucher, un des plus fameux de l’Académie, et qui se vendaient cher. Ce sont ces fadaises qui ont occupé et amusé tout Paris, de manière qu’on ne peut aller dans aucune maison qu’on n’en trouve de pendus à toutes les cheminées. » (Journal de Barbier.) (R)

Numéro
$1033


Année
1746




Références

Raunié, VII,81-83 - Maurepas, F.Fr.12650, p.85-87 (air noté) - F.Fr.15158, p.25-28


Notes

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