Les Regrets de madame de Prie
Les regrets de Madame de Prie1
Du noir Styx j’ai passé l’onde,
Il n’est plus d’espoir de retour,
Mon exil est dans l’autre monde,
Je ne reverrai plus le jour.
En esclave de la fortune,
Malgré sa lenteur importune,
Je la forçai de m’obéir.
Hélas ! que j’étais malheureuse
D’être à ses yeux officieuse,
Sous le vain espoir d’en jouir !
Que l’on est fortuné lorsque l’on s’en délivre !
Qui n’a pas le temps de bien vivre
Trouve mal aisément celui de bien mourir.
J’étais dans cette erreur mortelle,
Quand la faveur me parut belle.
Jamais un temps si court ne fit un sort si beau.
Jamais fortune aussi ne fut si tôt détruite.
Ah ! que la distance est petite
Du faîte des grandeurs à l’horreur du tombeau2
.
Raunié, V,131-32 - Clairambault, F.Fr.12699, p.393-94 - Maurepas, F.Fr.12631, p.407