Sans titre
Je reviens de ta Comédie,
Graffigny, les larmes aux yeux.
Que j’aime la tendre Cénie
Et ses sentiments généreux1 .
Dans son portrait que tu nous traces,
Que de charmes ! que d’agréments !
Que de vertus et que de grâces !
Que d’esprit et de sentiment !
Quelle délicatesse extrême !
Que d’héroïsme en tes portraits !
Ah ! qu’il faut en avoir soi-même
Pour l’exprimer comme tu fais !
C’est dans le sein de ta famille
Que tu puises des trait si beaux.
Ainsi Mignard peignait sa fille
Dans la plupart de ses tableaux.
Tantôt sous les traits de la gloire
De son héros guidant les pas,
Tantôt sous ceux de la victoire
Le couronnant dans les combats.
La Cénie est cent fois plus belle
Et tu nous la peins beaucoup mieux,
Mais c’est qu’un plus parfait modèle
À chaque instant est sous tes yeux.
C’est un bonheur pour un grand maître
Qui peut peindre non seulement
Son héros tel qu’il voudrait être,
Mais comme il est réellement.
Dans l’héroïsme de ta pièce
Se fait reconnaître aisément
Et que Cénie enfin de nièce
Fait l’anagramme heureusement.
C’est ainsi qu’en tous tes ouvrages
Dignes de l’immortalité,
Pour tracer de nobles images
Tu n’as jamais rien emprunté.
Si de l’adorable Cénie
On connaissait l’original,
Quel cœur ne porterait envie
Au bonheur du tendre Clerval.
Mais des grâces comme les siennes
Ne peuvent jamais se cacher,
Jusqu’aux rives péruviennes
On les trouve sans les chercher.
- 1À Madame de Graffigny sur sa comédie de Cénie qu’on joue actuellement à Paris par M. l’abbé de Lattaignant.
Clairambault, F.Fr.12720, p.107-09 - F.Fr.439r-440r -F.Fr.15153, p.377-81 - Mazarine Castries 3989, p.359-61