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Madame de Boufflers

Madame de Boufflers1
Boufflers parut à la cour ;
On crut voir la mère d’Amour2 ,
Chacun s’empressait à lui plaire
Et chacun l’avait à son tour.

Mais l’amour n’est plus dans ses bras,
Luxembourg reste seul, hélas !
Assez sot pour être fidèle
Au peu qu’elle a d’appas.

En vain son frère Villeroy,
Pour elle prit le noble emploi,
Auprès de notre jeune Roi,
De gagner son cœur et sa foi.

Un esprit trop mêlé d’humeur,
Catin outrée ou précieuse,
Le mensonge et la noirceur
Enfin l’ont rendue odieuse ;
Et pour comble d’horreur,
Son état nous fait mal au cœur.

Quand Boufflers parut à la cour,
On crut voir la mère d’Amour,
Chacun s’empressait à lui plaire
Et chacun l’avait à son tour.

  • 1« Mlle de Villeroy, que l’on désigne petite‑fille du maréchal de ce nom pour la distinguer, était fille du duc de Villeroy qui avait mené une vie si obscure que je doute qu’il soit jamais fait mention de son existence dans la généalogie de cette famille. Mlle de Villeroy épousa en première noces le duc de Boufflers, et en secondes noces le maréchal de Luxembourg. On ne peut mieux en donner une idée qu’en rapportant la chanson de M. de Tressan qui la peint trait pour trait. » (Mémoires du baron de Besenval.) (R)
  • 2« Du côte de la figure, Mme de Boufflers était une des femmes les plus accomplies qui eussent jamais paru ; son esprit était agréable et plein de grâces. Mais tous ces avantages étaient ternis par une inégalité, une humeur, qui la conduisaient à faire à chaque instant des scènes embarrassantes dans l’instant où l’on devait le moins s’y attendre, et le plus souvent sans aucun objet. D’ailleurs sa méchanceté et sa noirceur la rendaient aussi dangereuse dans le commerce de la vie que son humeur était fâcheuse dans la société. Un libertinage outré dans tous les genres, auquel elle se livra, détruisit promptement ses charmes sans changer ses goûts, et répandit sur l’extérieur de sa personne des traces que M. de Tressan rappelle si durement dans les derniers vers de sa chanson. (R)

Numéro
$0870


Année
1737 (Castries) / 1738 mars

Auteur
Tressan



Références

Raunié, VI,222-23 - Clairambault, F.Fr.12708, p.69 - Maurepas, F.Fr.26635, p.34 - F.Fr.12675, p.322-24 - F.Fr.13662, f°160r - F.Fr.15133, p. 466-67 (couplets 1-3) - F.Fr.15137, p.328-29 - F.Fr.15140, p.379-80 - F.Fr.15148, p.292-93 - NAF.9184, p.326 - Arsenal 2934, p.352-54 - Arsenal 3116, f°227v - Arsenal 4844, f°277v -  BHVP, MS 548, p.207 - BHVP, MS 658, p.236-37 (incomplet) - BHVP, MS 659, p.102 -  BHVP, MS 670, f°135r-135v - Mazarine MS 2164, non paginé - Mazarine Castries 3987, p.20-21 (dans un ordre différent) - Lyon BM, MS 1553, p. 462-63 - Mémoires de la baronne d’Oberkirch, t.I, p.298


Notes

Autre titre: Rondeau des sens ( BHVP, MS 670) - Air noté (Arsenal 2934) 

La vieille maréchale de Luxembourg, cet arbitre souverain de l’esprit, de la beauté, de la réputation des femmes ; cette personne à laquelle il a fallu tant pardonner dans sa jeunesse et qui est devenue si sévère pour les autres ! Madame de Luxembourg était mademoiselle de Villeroye et, en premières noces duchesse de Boufflers. Ellle fut affichée autant qu’on peut l’être sous Louis XV à cette époque où il était si difficile de primer dans ce genre-là. Les ponts-neufs les plus injurieux courent sur elle ; on les sait encore parmi le peuple, et comme elle a changé de non, elle ne pas se douter qu’il soit question d’elle. J’entendais ce matin un palefrenier dans la cour chantant en étrillant ses chevaux :
Quand Boufflers parut à la cour
Des amours on crut voir la mère ( Mémoires de la baronne d’Oberkirch)