Chanson sur les actions de la banque
Vous me demandez tous les jours
Des nouvelles de ce qui court,
Lon lan la derirette
Ce sont arrêts, nouveau édits,
Lon lan la deriri.
On met tous les billets d’État,
Ablativo tous en un tas, lon lan la..
Pour les brûler à ce ce qu’on dit, lon lan la…
Ce sont les Phénix de nos jours ;
De leurs cendres renaissent toujours,
À leur place d’autre petits.
Voulez-vous amasser de quoi
Vous faire aussi riche qu’un roi ?
Mettez vite à Mississipi.
Allez dans la rue Quincampoix
Apprendre à combien et à quoi.
Les actions sont aujourd’hui.
N’y manquez pas, matin et soir,
Cela est utile à savoir.
Si vous voulez vous enrichir.
Tantôt elles ont le cul en haut,
Après elles tombent d’un saut.
Sans cesse elles changent de prix.
Soyez dans la rue Quincampoix
Vous y trouverez bien de quoi.
Faire fortune, à ce qu’on dit.
Les princes, ducs, comtes et marquis
Y vont, et les princesses aussi.
Un chacun en est ébahi.
On en vit une, l’autre jour
En phaéton ainsi qu’au cours.
Marchander les cent par demi.
Cependant, quoi qu’incognito,
Sans livrée, pages, on dit : « ho, ho !
C’est la princesse de Conti ».
Elle et Madame de Villars
Agiotèrent et, par hasard.
Elles en partagèrent le profit.
Monsieur le Duc y a vendu
Pour bien des millions d’écus.
Des actions du Mississipi.
Ils entendent tous l’agio
Dans cette rue, c’est un trio.
Qui les plus sages divertit.
Autrefois, c’eût été pécher
De se mêler d’agioter.
C’est savoir-faire aujourd’hui.
Les duchesses en font leurs plaisirs,
Mettant à profit leurs loisirs.
Et les petits maîtres aussi.
Les regardants n’y perdent point,
Mais tel qui souffre du besoin.
En a le cœur des plus contrits.
C’est là qu’il voit son sang couler
Et la fortune s’ébouler,
En procurant celle d’autrui.
C’est là qu’en billets d’État,
L’on a vu réduit au grabat
Les plus grands et les plus petits.
Beaucoup, avec grande douleur,
Ont perdu presque leur valeur
Dont d’autres se sont enrichis.
Ils gagnèrent douze pour cent
Par l’arrêt du remboursement,
De quoi l’agioteur sourit.
La caisse des emprunts était
Des meilleures, à ce qu’on disait.
On sait qu’on avait bien menti.
On sait ce qu’on y a perdu ;
Cela est fait, n’en parlons plus,
Songeons à l’exemple d’autrui.
Autrefois l’on avait du bien.
Aujourd’hui, ceux qui n’ont plus rien
Doivent mettre à Mississipi.
Quelques-uns s’en sont bien trouvés.
Mettez-y donc, si vous pouvez
De Law être des favoris.
Plusieurs l’ont fait par désespoir
Aimant autant ne rien valoir
Que tout perdre par les décrets.
Clairambault, F.Fr.12697, p.243-47 - Maurepas, F.Fr.12630, p.59-64 - Arsenal 2961, p.540-47 - Arsenal 3231, p.429-25