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La Mission du président Ogier

La mission du président Ogier1
Pour les fanges de la Vilaine
Quitter les trésors de la Seine,
Cher Ogier, quel aveuglement !
Tu veux passer bien saintement
La rigoureuse quarantaine,
Reçois mes adieux : Carnaval
Est trop bien ici pour te suivre
Dans un pays où tout va mal,
où pas un homme ne s'enivre,
Nulle femme n’y songe au bal.
Longtemps j’en ai fait mes délices,
Mais depuis un lustre je vois
Qu’on ne parle à ces bons Gaulois
Que de dragons et de supplices ;
Que, pour les réduire aux abois,
De par le plus juste des Rois,
On a fait cent mille injustices
Et violé quarante lois.
Malheureux ! la cour les abhorre
Et les hait : c’est le bon ton.
Que vas-tu faire en ce canton ?
Tu brûles d’être utile encore
A notre bien-aimé Bourbon ;
Tu veux que son peuple breton
Plus que jamais l’aime et l’adore
Et ne tremble plus à son nom.
Quoi donc ! oserais-tu lui dire
Qu’en dépit de leurs ennemis
Les Bretons sont les plus soumis,
Les plus zélés de son empire ?
Je te crois un peu trop prudent :
Dans ce pays, cher président,
Répands de nouvelles alarmes :
Prends ce qui lui reste d’argent,
Laisse-lui ses fers et ses larmes.

  • 1Autre titre: Épître à M. le président Ogier, sur sa mission en Bretagne - 11 mars. L’épître suivante, peu recherchée pour son mérite poétique, va être consignée ici comme pouvant servir à l’histoire et faire anecdote. (Mémoires secrets) - Le duc d’Aiguillon avait résolu de faire enregistrer par édit un règlement inique qui devait avoir pour résultat de détruire totalement les anciennes constitutions de la Bretagne, et d’ériger en loi tous les abus d’autorité et toutes les violences qu’il avait commis. Choiseul, inquiet de l’ambition du commandant et désireux de mettre un terme aux troubles provoqués par lui, décida le Roi à convoquer à Saint‑Brieuc une assemblée extraordinaire des états qui délibérerait librement sur le règlement projeté. « Il proposa de charger de cette commission le président Ogier, personnellement agréable à Sa Majesté dont Elle aimait l’esprit de douceur et de conciliation, en qui elle avait une confiance particulière. D’ailleurs homme de loi très instruit des formes et qui, dépouillé de tout l’appareil militaire du commandant, n’aurait que l’air d’un pacificateur. Louis XV se rendit, ou plutôt se laissa entraîner et le commissaire fut nommé… Les Bretons avaient trop à cœur de faire succéder le calme à l’orage, dès que le président Ogier paraîtrait. Jamais plus de concert ne régna dans les assemblées, jamais plus d’union entre les ordres… Le président fut obligé de faire l’éloge des Bretons à la cour » (Vie privée de Louis XV.) (R)

Numéro
$1267


Année
1768




Références

Raunié, VIII,122-23 - Mémoires secrets, II, 870


Notes

$1267, $1268 et $2254 forment un ensemble