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Les Talents de Maurepas

Les talents de Maurepas1
Le Maurepas est chancelant,
Voilà ce que c’est d’être impuissant.
Il a beau faire l’important,
Bredouiller et rire,
Lorgner et médire.
Richelieu2 dit en le chassant :
Voilà ce que c’est d’être impuissant.

Il ne trompera plus les gens
Ni par ses souplesses
Ni par ses finesses.
Tous diront, le vilipendant :
Voilà ce que c’est d’être impuissant.

Mais pour exercer ses talents
Les marionnettes
Et les girouettes
Deviendront son département,
Voilà ce que c’est d’être impuissant.

Il pourra, pour ses passetemps,
Jouer des parades,
Donner des cassades
Et divertir ses complaisants,
Voilà ce que c’est d’être impuissant.

Il peut encor faire le galant
Près de ma cousine3
Mais elle a la mine
De le renvoyer promptement.
Voilà ce que c’est d’être impuissant.

Le Maurepas est chancelant,
Voilà ce que c’est d’être impuissant ;
On dirait que son ascendant
Ait été funeste
Au premier Cereste4 ;
Phélypeaux, entre eux s’en vont disant :
Voilà ce que c’est d’être impuissant5 .

  • 1Il est devenu de mode de danser en rond le rondeau dont voici le premier couplet, parce qu'on sait que le Roi l'a dansé en dernier lieu à la Muette (Journal de police)
  • 2Richelieu était dans les meilleurs termes avec Mme de La Tournelle, Maurepas, au contraire, la détestait et pour en dégoûter le Roi, il avait même feint d’en être amoureux. Lorsqu’elle devint maîtresse déclarée, on put croire que ses efforts, unis à ceux de Richelieu, parviendraient à éloigner ce ministre, pour lequel le Roi semblait avoir quelque affection. (R)
  • 3La duchesse d’Aiguillon. (M.) (R)
  • 4Le chevalier de Céreste‑Brancas, ami de M. le comte de Maurepas. (M.) (R)
  • 5Le marquis d’Argenson, dans ses Mémoires, n’est guère plus tendre pour Maurepas que le duc de Richelieu dans ses couplets. « Un petit‑maître français, dit‑il, brillant et spirituel, installé dans le ministère à seize ans, doyen du conseil à trente‑cinq, décidé et toujours fautif, parlant beaucoup, écoutant peu, traitant sérieusement les bagatelles et légèrement les grands objets, voilà quel est M. de Maurepas. On lui a disputé jusqu’a la qualité d’homme ; il a une grande réputation d’impuissance, et, dans le fait, il a quelque chose du caractère des eunuques, aimant les femmes à la fureur pour les tourmenter sans les satisfaire.» (R)

Numéro
$0960


Année
1742




Références

Raunié, VI,336-38 - Clairambault, F.Fr.12710, p.179-80 - F.Fr.12675, p.445-51 - F.Fr.13656, p.403-05 - F.Fr.15134, p. 629-32 -F.Fr.15140, p.113-15 - Arsenal 3137, f°26r-27r - BHVP MS 550, f°14r-15r - BHVP, MS 556, p.50-51 - Mazerine Castries 3988, p.178-80 - Mazarine 2356, f°79v-80r - Barbier, III, 419 (premier couplet) - Journal de police, Barbier, VIII, 209 - Baudeau (Revue rétrospective, 1834, VII, 50)


Notes

La chanson fut mise au goût du jour en 1774 au moment du retour à la vie politique de Maurepas, par l'ajout d'un nouveau couplet: Le Maurepas est impuissant. Voilà ce que c'est d'être impuissant. Le Roi lui dit en l'embrassant / Quand on se ressemble / Il faut qu'on s'assemble; / Entre nous tout sera décent / Voilà ce que c'est que d'être impuissant.