Sans titre
Le bon Roi n’est plus malade1 ,
Rendons-en grâces aux Cieux,
Faisons-lui notre ambassade
Et chantons d’un cœur joyeux
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Quand j’appris son mal, compère,
Sarpedié, dans mon dépit,
J’ai cassé bouteille et verre,
J’étais pis qu’un antéchrist.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
J’aurions bien été à plaindre
Si la mort nous l’eût ôté.
Je n’avions plus rien à craindre
Car il est ressuscité.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Pitanchons à ce bon maître,
Où vas-tu donc, Gros René ?
Illuminer ta fenêtre ?
Moi, j’enlumine mon nez.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Quand au son de ses timbales
Il reviendra vers ici
Avec Mesdames des Halles
J’irons au-devant de lui.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Après une révérence,
Nos cœurs pleins de bonne foi
Lui crieront à toute outrance :
Vive et vive ce bon Roi.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Sire, dirons-nous encore,
Nous sommes contents de vous,
Votre peuple vous adore,
Mais vous allez trop aux coups.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Que j’allons avoir des fêtes,
Déjà je m’en réjouis,
Tirons canons et boettes
En l’honneur de grand Louis.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Le Parlement par exemple,
Plein de zèle et plein de foi,
A déjà dedans son temple
Fait chanter, Vive le Roi.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Au beau milieu de la grève,
Bernage et ses conseillers
Vont ordonner qu’on élève
Un beau feu sur neuf piliers.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
En passant dans chaque rue
Le gouverneur de Paris
Jettera l’or sans retenue
En gouverneur bien appris.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Aux carrefours de la ville
Les tonneaux auront beau jeu,
Et sans foncer croix ni pille
Moi, j’y courrai comme au feu.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Par deux soirs la Comédie
Pour nous jouera le gratis,
La drôle de tragédie,
J’y mènerai mon Iris.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Pour l’Opéra c’est un chiche
Qui n’entend point à donner.
S’il en devenait plus riche,
Nous pourrions lui pardonner.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
A son tour l’Académie
Chantera le grand Louis
Et sa santé si chérie
Sera le sujet d’un prix.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Mais il faudra qu’il essuie
Des harangueurs à tout point.
J’ai bien peur qu’on ne l’ennuie,
Ces gens ne finissent point.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
Sire, encore une campagne
Vous rendrez tout ce pays
Un vrai pays de cocagne
Tout comme il était jadis.
Ça, rasade,
Camarade,
Verse à moi,
Je bois au Roi.
- 1Chanson de Christophe, charbonnier sur le port de la Grève en réjouissance de la santé du Roi par L. D’A. – M. Bernage dont il y est parlé est le prévôt des marchands et le gouverneur est M. le de Gesvres.
Clairambault, F.Fr.12711, p.141-44 - Maurepas, F.Fr.12647, p.195-99 - F.Fr.10477, f°91-92 - F.Fr.15134, p.944-51 - Mazarine Castries 3988, p.433-440