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A Messieurs du camp de Saint-Roch / Épître aux Espagnols du camp de Saint-Roch (Castries)

A Messieurs du camp de Saint-Roch1

Messieurs de saint-Roch, entre nous2 ,

Ceci passe la raillerie3 .

En avez-vous là pour la vie

Ou quelque jour finirez-vous ?

Ne pouvez-vous à la vaillance

Joindre le talent d’abréger ?

Votre éternelle patience

Ne se lasse point d’assiéger ;

Mais vous mettez à bout la nôtre

Soyez donc battus ou battants,

Messieurs du camp ou du blocus,

Terminez de façon ou d’autre ;

Terminez, car on n’y tient plus.

Fréquentes sont vos canonades ;

Mais hélas ! qu’ont-elles produit ?

Le tranquille Anglais dort au bruit

De vos nocturnes pétarades ;

Ou s’il répond de temps en temps

A votre prudente furie,

C’est par égard, je le parie,

Et pour dire, le vous entends.

Quatre ans ont dû vous rendre sages.

Laissez donc là vos vieux ouvrages,

Quittez vos vieux retranchements,

Retirez-vous, vieux assiégeants :

Un jour ce mémorable siège

Sera fini par vos enfants,

Si toutefois Dieu les protège.

Mes amis, vous le voyez bien,

Vos bombes ne bombardent rien ;

Vos bélandres et vos corvettes,

Et vos travaux et vos mineurs

N’épouvantent que les lecteurs

De vos redoutables gazettes.

Votre blocus ne bloque point,

Et grâce à votre heureuse adresse,

Ceux que vous affamez sans cesse

Ne périront que d’embonpoint4 .

  • 1Il court une plaisanterie du chevalier de Parny, qui est gaie et de bon goût. Elle st intitulée : A Messieurs du camp de Saint-Roch (La Harpe)
  • 2Les Espagnols avaient commencé par le siège de Gibraltar leurs hostilités contre l’Angleterre, au mois de juin 1779. Leur armée, établie dans la petite bourgade de Saint‑Roch, et qui comptait quatorze mille hommes, après avoir vainement essayé pendant quinze mois de prendre la ville par la famine, avait résolu de la détruire par les bombes et les canons. Mais une sortie vigoureuse du général Elliot, le 27 novembre 1781, détruisit tous leurs ouvrages et découragea leurs efforts.(R)
  • 325 novembre 1781a. La vivacité française ne pouvant s’accorder avec la lenteur espagnole, lui a fait enfanter la plaisanterie suivante sur le siège de Gibraltar. (Mémoires secrets, 25 novembre 1781a)
  • 4« La finesse comme la légèreté de cette ingénieuse plaisanterie d’un malin poète me font juger qu’elle méritait d’être recueillie et conservée, ne pouvant qu’amuser dans tous les temps ceux qui la liraient. » (Journal de Hardy.)(R)

Numéro
$5744


Année
1782

Auteur
Chevaiier de Parny



Références

Raunié, X,22-23 -F.Fr.13653, p.261 - .Mémoires secrets, XVIII, 161-63 - La Harpe, CL, t.III, p.291