Paul Piron à Pierre Maupertuis1
D’être gai, Paul a cent raisons pour une :
Des gens de bien il est aimé, chéri ;
Tous à l’envi plaignent son infortune.
D’Olivet seul dans sa barbe en a ri.
D’Achille enfin la pique a tout guéri2 .
Paul toutefois n’est pas si gai qu’on pense :
En France heureux, Paul est un peu marri,
Que Pierre, en Prusse, ait crié sa sentence.

• 1L’Académie française m’ayant fait la grâce spéciale de me donner, d’une voix unanime, la place de M. l’archevêque de Sens qui venait de mourir, sans que je l’eusse ni voulu, ni dû, ni osé la demander, un pieux et dévot académicien fut tenir charitablement et en secret à M. l’évêque de Mirepoix la malheureuse Ode à Priape que l’évêque alla sur-le-champ montrer au Roi. Il n’était pas décent qu’un auteur licencieux succédât à un archevêque. Aussi ma nomnation fut-elle rejetée ; mais Sa Majesté, en punissant l’auteur de cette ode, récompensa le repentir de l’avoir faite, qu’il témoignait depuis plus de 40 ans, en me donnant une pension de 1000 livres sur sa cassette. Peu de temps après cet événement, M. de Montesquieu mourut ; Maupertuis prononça et fit imprimer à Belin l’éloge de cet illustre académicien et il y inséra, sans nécessité, hors de propos et dans la seule vue de me désobliger, la petite disgrâce que je venais d’essuyer, quoique je ne l’eusse point méritée et encore moins que je me la fusse attirée. Je devais donc à Maupertuis des remerciements, et c’est là le sujet des trois épigrammes que j’ai faites pour ma justification. (Piron)
• 2Le Roi. La lance d’Achille guérissait seule les blessures qu’elle faisait. (Piron)