Le Règne de Vénus
Le règne de Vénus
Enfin, grâces au ciel,
Vénus est rétablie ;
Nos prudes sont sans fiel,
Leurs maris sans furie,
Et l’ange Gabriel1
Est de la confrérie.
Quel Dieu par ses ardeurs,
Belle et sage Andromaque2
,
A pu sécher vos pleurs
Dès la première attaque ;
Est-ce un des trois vainqueurs
De la reine d’Ithaque3
?
En secret Velleron4
Le soir vous désennuie,
Et sans égard, dit-on,
Pour votre modestie,
Il fait rougir le front
De votre pruderie.
Vous qu’Amour fit exprès,
Aimable La Vrillière,
Rendez-vous aux attraits
D’un prince qui veut plaire ;
Pour combler ses souhaits,
Imitez La Vallière.
- 1Marquis d’O, le fils. (M.) (R)
- 2Marquise de Mailly. (M. Cf.) (R)
- 3Mme d’O. (M.) — Il faut sans doute attribuer le surnom qu’on lui donne ici aux circonstances bizarres de son mariage. Fille de Guilleragues, ambassadeur de France à Constantinople, elle fut ramenée dans sa patrie, après la mort de son père par le lieutenant de vaisseau Villers. « Chemin faisant, dit Saint‑Simon, Villers fit l’amour à Mlle de Guilleragues et lui plut, et tant fut procédé que, sans biens de part ni d’autre, la mère consentit à leur mariage. Les vaisseaux relâchèrent quelques jours sur les bords de l’Asie Mineure, vers les ruines de Troie. Le lieu était trop romanesque pour y résister ; ils mirent pied à terre et s’épousèrent. » Villers prit plus tard le titre de marquis d’O. (R)
- 4 Le chevalier de Velleron, enseigne des gardes de corps. « C’était un cadet de Provence, d’une médiocre naissance, fils pourtant d’une sœur du feu cardinal Janson. Il avait du monde, de la politesse, de la figure, de l’honneur et de la valeur, mais rien du tout au delà ; les dames le portèrent, il fit fortune et il est mort ambassadeur en Angleterre. » (Saint-Simon) (R)
Raunié, II,87-88 - Clairambault, F.Fr.12696, p.131 - Maurepas, F.Fr.12628, p.379-80