

Justification du marquis de Villette1
Monsieur l’anonyme badin,
On ne peut avec plus de hardiesse,
De gaîté, de délicatesse,
Dire du mal de son prochain.
Votre muse aimable et légère
M’égratigne si doucement,
Qu’il faudrait être fol, vraiment,
Pour aller se mettre en colère.
Recevez-en mon compliment.
Mais pourquoi votre esprit caustique,
Sur moi s’égayant sans façon,
M’accuse-t-il d’être hérétique
Au vrai culte de Cupidon ?
Avez-vous consulté Sophie,
Vous qui m’imputez ce péché ?
Vous sauriez que de l’hérésie
Je suis un peu moins entiché.
Charmé de cet air de tendresse
Qui des amours flatte l’espoir ;
J’ai souhaité voir la princesse
Passer du théâtre au boudoir.
Sur les tréteaux, reine imposante,
Elle est ce qu’elle représente ;
Mais on revient au naturel :
Chez elle, libre, impertinente,
La princesse est femme galante,
Gentil ornement de b…
Oui, oui, la reine Marguerite
L’eût aimée autant que ses yeux,
Elle en eût fait sa favorite :
On doit ses contes amoureux
A son penchant pour la saillie ;
Elle aimait les propos joyeux,
Les plus gros lui plaisaient le mieux,
Elle pensait comme Sophie ;
Mais avec l’ardeur de Vénus
Elle a l’embonpoint de l’Envie.
Je cherche un sein, des globes nus,
Une cuisse bien arrondie,
Quelques attraits… Soins superflus !
Avec une telle momie,
Si j’ai pourtant sacrifié
Au dieu qui de Paphos est maître,
Me voilà bien justifié
Ou je ne pourrai jamais l’être.
Numéro $1250
Année 1766
Auteur Villette (marquis de)
Description
45 vers
Références
Raunié, VIII,67-69 - Mémoires secrets, II, 722-23 - F.Fr.13651, p.284-85
Mots Clefs Marquis de la Villette se justifie de l'accusation d'amour antiphysique, Mlle Arnould