Sans titre
Cette marine tant vantée1
Qui coûte l’impossible au Roi,
A son plus haut point est montée,
Et nos registres en font foi.
Pour la recette et la dépense
Il est aisé de calculer
Et de voir où va la finance
Qu’on nous accuse de voler.
Nous ! voler… quelle médisance !
L’ordre établi dans nos bureaux
Désarme toujours l’envie ;
Nous prouvons par bons bordereaux
A tous contrôleurs généraux
Qui vont prêchant l’économie,
Que la marine est mieux servie
Que la marche de leurs cerveaux.
Voilà comme la calomnie
Au lieu de noircir les héros
Donne un plus grand lustre à leur vie.
- 1Si jusqu’ici notre marine n’a pas répondu à toute notre attente, elle n’en coûte pas moins quatorze millions par mois ; aussi les ennemis de M. de Sartine en sonnent le tocsin contre son administration ; le sieur de Saint-James, qui est devenu le trésorier unique de ce département, jouit, disent-ils, de cinq cent mille livres de rentes. Il faut avouer que ce trésorier étale un luxe révoltant à l’occasion d’un hôtel qu’il se fait préparer à la place Vendôme. Son salon seul coûte cent mille écus et le reste des appartements à proportion, le boudoir de sa femme est tout de glace peinte et coûtera plus que la salle à manger qu’on évalue à cinq mille louis. C’est au sujet de ces dépenses et de la liaison intime qui subsiste enre lui et le ministre que des méchants ont fait ces vers : (Mémoires secrets)
Kageneck, p.10 - Mémoires secrets, 1779, p.219 - CSPL, VIII, 219-20