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La Maréchale de Villars

La maréchale de Villars1
Si Villars avait les attraits
De cette tante tant aimable2 ,
Je dirais : Ne quittez jamais,
Sa chaîne est adorable.
Mais pour un vieux visage usé,
Un esprit plein de rabâchage,
Quel radotage !
L’abbé3 , en vérité,
Vous avez bien de la bonté4 .


Nul esprit, pas même un bon cœur,
Sans beauté ni jeunesse,
Jalouse jusqu’à la fureur ;
Et fausse sans finesse ;
Souple et basse avec vanité,
Envieuse, avare et volage,
Quel assemblage !
Grands dieux ! en vérité,
De l’aimer serait-on tenté ?

 

La Gontaut n'a plus les appas5

Pour qui les coeurs soupirent.

De plus son esprit ne plaît pas,

On en craint la satire.

C'est un manche à balai séché

C'est un teint reluisant de colle.

Quelle vérole !

Pezé en vérité,

Vous avez bien de la bonté.

 

Pourquoi tant vanter les attraits

De cette tante aimable?

Dans le monde on ne vit jamais

Beauté plus déplorable.

C'est un jeune visage usé,

Un corps maigre comme hors d'usage.

Quel assemblage !

Pezé, en vérité,

En peut-on être entêté ?

 

Quoique je cite ici Pezé,

c'est un sujet peu grave.

Dans tout, c'et un homme empesé

En rien il ne fut brave.

Mais il se croit bien relevé

En courtisant une duchesse.

Quelle finesse !

Croit-il en vérité

Imposer par sa vanité ?

 

  • 1Autre titre : Par Mme de Gontaut sur Mme la maréchale de Villars (F.Fr.12674)
  • 2La maréchale d’Estrées.
  • 3De Vauréal, évêque de Rennes
  • 4Marais nous fournit des renseignements précis sur l’origine et les auteurs de cette chanson : « Le premier couplet a été fait chez la maréchale d’Estrées, où étaient Mme de Gontaut, sa nièce, le ministre [d’Angervilliers] et l’abbé [de Vauréal] qui, après une partie de quadrille, voulut aller souper chez la maréchale de Villars ; on voulut l’en détourner, il persista et en dit du bien tant qu’on lui répondit : L’abbé en vérité vous avez bien de la bonté, ce qui donna occasion de faire ce couplet, et en le mettant dans le monde on a eu la malice de marquer deux vers comme faits par le ministre lui‑même. Le second couplet a été fait chez Mme de Gontaut, qui l’avoue et en décharge Roy, que l’on accusait d’en être l’auteur. » La chanson tomba entre les mains de la maréchale, qui voulut avoir un éclaircissement avec Mme de Gontaut, et cela fit « une des belles tracasseries qu’on eût encore vues ». (Correspondance avec Bouhier.)
  • 5Les trois derniers couplets ne se trouvent que dans Besançon.

Numéro
$0762


Année
1731 (Castries) / 1732

Auteur
Roy ?



Références

Raunié, VI 7-8 - F.Fr.12674, p.375-76 -  F.Fr.15133, p. 100-01 -  D'Argenson, tI I, p. 88-89


Notes

Ar noté (BHVP, MS 658) - Voir le prolongement en $3714 - " Enfin cette grande dame [Mme de Gontaud] a jugé à propos d’éclater par une chanson ; elle a fait paraître celle qui court contre la maréchale de Villars ; on la dit de Roy ; elle est affreuse. Elle la prend par son caractère et par ses galanteries, le tout revêtu aujourd’hui de pruderie. On dit qu’il y a deux couplets à faire rouer. Le nouveau, c’est que Mme de Gontaud avoue la chanson ; c’est là le comble du mépris pour une ennemie qu’on chansonne. " (D'Argenson, tome I, p. 88-89)