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Reproche à MM. les académiciens

Reproche à MM. Les académiciens de l’Académie française
Arbitres souverains, quelquefois despotiques,
Vous qui donnez des lois sur le sacré vallon,
Et secouez le joug des plus sages critiques
Sans avoir reçu le brevet d’Apollon.
Ce n’est point cet abus, ce n’est point cette audace,
Que mon cœur pénétré vous reproche en ce jour :
Un intérêt plus vif excite le Parnasse ;
La raison malgré moi met les mots à leur place.
J’accuse votre gloire, et même votre amour.
D’où vient, affectez-vous un perfide silence
Quand le sentiment seul nous tient lieu d’éloquence ?
Pour être beaux esprits, n’êtes-vous plus français ?
Le soupçon ne peut pas tomber sur l’impuissance
Peut-être craignez-vous de profaner vos voix
En faisant union avec toute la France ?
Ah, messieurs, croyez-moi, dans les jours solennels
On peut bien se servir des mêmes rituels.
Ce n’est point de l’esprit que mon cœur vous demande ;
Je ne veux point non plus de ces vers de commande
Que la réflexion compose avec froideur.
Je veux des traits de feu pour votre protecteur ;
Quoi ! le plus grand des rois vous fit des sanctuaires ?
Les muses avec vous habitent ses palais ;
Pour vous son petit-fils succède à ses bienfaits ;
Vous êtes de leurs dons tranquilles tributaires.
On n’a point entendu vos soupirs retentir,
Et que discutez-vous quand il faudrait sentir.
Vous voyez Atropos menacer le monarque
Et vous n’arrachez pas les ciseaux de la parque ?
Ce grand roi vit enfin, la joie en tous lieux
Éclate sur la terre et monte jusques aux cieux ;
Tout parle, jusques aux murs de cette capitale.
Du plus brillant des jours chaque nuit est rivale
Et l’émulation nous prouve par des faits
Les vertus du monarque et l’amour des sujets.
Tous du sacré vallon ont forcé les barrières.
Nous entendons encore la voix de leur Homère,
Fameux distributeur de l’immortalité.
Quelle honte pour vous chez la postérité !
Messieurs, pour votre honneur ne faites plus d’ouvrages ;
Du moins n’espérez pas obtenir nos suffrages.
En vain vous réclamez contre cette rigueur,
Votre esprit doit souffrir de la faute du cœur.

 

Numéro
$3188


Année
Septembre 1744 / 1745




Références

Clairambault, F.Fr.12711, p.257-58 - Maurepas, F.Fr.12647, p.353-54 - F.Fr.10477, f°118 - F.Fr.13658, p.80-82 - NAF.9184, p.396-97 - Bois-Jourdain, II, 200-01


Notes

Reproche à MM. Les académiciens de l’Académie française sur ce qu’ils n’ont rien fait en vers sur la convalescence du Roi