Epître de Mme Troisième
Épître de Madame Troisième, à la Reine
Née le 28 juillet 1728 et morte le 9 février 17331
Vous qui par la foi conaissez mon bonheur,
Que votre piété calme votre douleur.
Je sentis peu la mort, connaissant peu la vie,
Que mon destin est grand, qu’il est digne d’envie.
Je ne reçus le jour que pour aller aux cieux.
Reine, quand le trépas me dérobe à vos yeux
Je vois Dieu ; mes regards soutiennent sa lumière
Chaque jour à ce Dieu j’offre votre prière ;
Je protège les rois au céleste séjour.
Quel plus beau rang pour moi souhaite votre amour ?
Je sais qu’en votre sein ma docile jeunesse
Eût appris les devoirs d’une sainte princesse ;
Mais pour la pratiquer, Dieu répand-il sur tous
Les grâces que sa main daigne verser sur vous ?
Combien d’écueils divers environnent le trône.
Pour l’élever aux cieux quel poids qu’une couronne !
Je vous vois chaque jour la quitter mille fois
Pour la placer aux pieds du souverain des rois2
.
Mais cessez de donner des pleurs à ma mémoire
Ne pensez plus à moi sans penser à ma gloire.
Vous ne me voyez plus, mais songez qu’un époux
Ainsi que le trépas m’eût séparé de vous.
- 1Paar M. Crépel [?], sur un tableau que la Reine lui avait ordonné de la princesse morte. Elle lui avait dit de se conformer à un tableau qui est chez M. le cardinal de Fleury où il y a une tête de mort. (Clairambault)
- 2Fin différente dans le Glaneur historique : Souveraine des Rois. / Reine, c’est trop donner de pleurs à ma mémoire ; / Ne pensez plus à moi sans penser à ma gloire.
Clairambault, F.Fr.12705, p.31 - Maurepas, F.Fr.12633, p.205-06 - F.Fr.13659, p.389 - F.Fr.15146, p.476-78 - Glaneur historique, 11 juin 1733