Parodie tirée de l’École des Femmes
Parodie tirée de l’École des Femmes
Arnolphe1 et Agnès
Marie, écoutez-moi, laissez-là le rosaire
Et regardez en moi votre ange tutélaire,
Moi, qui suis de Bourbon l’amante et le conseil.
Moi, qu’il chérit autant et plus que son bon œil,
Notre Roi vous épouse et cent fois la journée
Vous devez bénir l’heur de votre destinée.
Contemplez la bassesse où vous avez été,
Et du prince, qui m’aime, admirez la bonté
Qui de l’état obscur de simple demoiselle
Sur le trône des Lys par mon choix vous appelle ;
Qui sur lui de l’Europe attire le courroux
Pour tirer du néant et votre père et vous,
Et qui vous sacrifie une Infante d’Espagne
Et tous les bons partis qui sont en Allemagne.
Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux
Le peu que vous étiez sans ce nœud glorieux,
Afin que cet objet d’autant mieux vous instruise
À mériter l’état où Bourbon vous a mise,
Et toujours vous connaître et lui faire avouer
Que de l’acte qu’il fait, il n’a qu’à se louer.
Nous ne prétendons pas, en vous déclarant reine,
Que sur lui, ni sur moi, vous soyez souveraine ;
Vous goûterez en paix les plaisirs les plus doux,
Les affaires d’État n’iront pas jusqu’à vous :
Nous vous tiendrons toujours sous notre dépendance,
Et nous aurons toujours la suprême puissance ;
Louis est un enfant qui n’est Roi que de nom.
Le véritable maître est le Duc de Bourbon.
Quoiqu’il ait peu d’esprit, ce n’est pas votre affaire ;
C’est à lui seulement qu’il importe de plaire.
Et ce que le soldat, dans son devoir instruit,
Montre d’obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
À son supérieur le moindre petit frère
N’approche point encor de la docilité,
De la soumission, ni de l’humilité,
Où doit être pour nous une Reine de France
Dont sans nous Courtanvaux aurait fait l’alliance.
C’est à vous de chérir ceux que nous chérissons,
C’est à vous de haïr ceux que nous haïssons.
Si vos vœux désormais se règlent sur les nôtres,
Jamais aucuns plaisirs n’égaleront les vôtres.
Mais si, par un énorme et funeste attentat,
Vous vouliez nous ravir le timon de l’Etat,
Le renvoi de l’Infante est la preuve certaine
Qu’à rompre votre hymen on aura peu de peine ;
Et nous aurons toujours de meilleures raisons,
Pour vous faire revoir vos choux et vos dindons.
- 1Madame de Prie.
1732/1735, III, 23-26 - 1752, III, 23-27 -Clairambault, F.Fr.12698, p.237 - Clairambault, F.Fr.12699, p.237-241 - F.Fr.10285 (Barbier), f°366r-367r - F.Fr.15018, 167-168 - Arsenal 2937, f°370r-370v - Arsenal 2966, p.2966 - Arsenal 2975, p.41-43 - Arsenal, 3128, f° 175 - Arsenal 3133, p.49-50 - Arsenal 4844, f°232r-232v -Arsenal 10475, f°254r-255r - Sorbonne, MS 710, p.391 - Lille BM, MS 66, p.224-227 - Stromates, I, 515-16 - Marais, II, 870-71
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