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Les Chars de la ville de Paris

Les chars de la ville de Paris1
J’ai vu passer ces chars si beaux,
Ah ! qu’ils ont surpris nos badauds ;
Bouche béante à cette fête,
Ils suivaient tous en admirant ;
Le dieu Mars en branlant la tête2
Montrait n’être pas content.

L’Hymen et son flambeau glacés
M’ont ici paru délaissés ;
Pas un Amour, pas une Grâce :
Dans ce char (comme en plus d’un lieu)
On vit l’ennui prendre leur place
Et bâiller auprès de ce dieu.

Bacchus, sur son char éclatant,
De loin paraissait triomphant.
Quoi ! ni Bacchante ni Ménade !
L’auraient-elles abandonné ?
Le dieu du vin est-il malade ?
Qu’il paraît triste et consterné !

Vous, qui présidez aux moissons,
Venez nous combler de vos dons,
Ciel, quelle abondance stérile !
Ce n’est que de l’oripeau,
Et Cérès, en blés si fertile,
N’a ni moissonneurs ni gâteau.

D’ordinaire sur les vaisseaux
On y voit quelques matelots ;
Mais pour celui de notre ville,
Il vogue souvent au hasard3 .
Sans pilote, du moins habile,
Tantôt va tôt, tantôt va tard.

 

La critique était à propos4

Mais pour le dire en peu de mots

L’inventeur des chats, le poète

Sont logés au même niveau.

La place est bien vide et bien nette

Dans l’un et dans l’autre cerveau.

 

Pourquoi tant gloser sur les chats ?

Ils méritent quelques égards.

L’intention en était bonne ;

Je m’en rapporte à l’inventeur

Qui d’ailleurs est bonne personne

Et s’il fait mal, c’est de bon cœur.

 

Monsieur le prévôt des marchands,

Vos chars ont fait rire les gens.

Votre Cérès au teint livide

Garde pour elle ses gâteaux,

Bacchus n’a que des tonneaux vides,

Mars mutilé tombe en lambeaux5 .

 

  • 1Chanson sur les chars de Mars, de l'hymen de Bacchus, de Cérès et de la ville de Paris que M. le prévôt des marchands fit promener par la ville le jeudi 9 février 1747 au sujet du mariage de Mgr le Dauphin (F. Fr. 10478, F.Fr.13659)
  • 2Les saccades du char lui ébranlèrent tellement la tête qu’elle sauta de dessus ses épaules dès la place Royale, au tiers du chemin de sa tournée. (M.) (R)
  • 3au hasard / Avec son pilote imbécile / Tout l'équipage est au fichard (sic).
  • 4Les trois derniers couplets seulement dans Mazarine Castries.
  • 5Tout cela est fondé sur le vrai. Les chars ne distribuaient rien dans les rues. Dès la rue Saint-Antoine les divinités, qui n’étaient que de carton de couleur grisâtre, ne tenaient pas trop ferme en place ; on devait faire comme à l’Opéra, mettre de vrais hommes pour représenter les Dieux et les Déesses. Dès la moitié de la promenade, tout se disloquait, quoique la pompe marchât très doucement et que des gens à pied conduisissent les chevaux par la bride. Il fallut arrêter plusieurs fois pour remettre les têtes, les bras, enfin tout, à peu près à sa place. Les passants riaient de voir placer les membres des Dieux à coups de marteau ou de voir le jour à travers leurs corps, symbole de la faim.

Numéro
$1044


Année
1747




Références

Raunié, VII,92-94 - Clairambault, F.Fr.12716, p.115-16 - Maurepas, F.Fr.12650, p.83-84 - F.Fr.10478, f°62 -F.Fr.12675, p.515-16 (manquent les trois derniers couplets) -  F.Fr.13659, p.43-44 - F.Fr.15142, p.151-56  (ordre tout différent)- F.Fr.15151, p.95-98 - Mazarine 3989, p.3989, p.260-62 (avec trois couplets supplémentaires)