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Extrait de la boîte de Pandore

Extrait de la boîte de Pandore1
De ton lascif tempérament
Dont tu ne fus jamais maîtresse,
Lorsque tu fuis l’emportement,
Tu feins qu’un excès de tendresse,
Subjuguant ta délicatesse,
Te fait céder au sentiment.
Ce jargon rempli d’artifice
Pour séduire est trop apprêté :
Connais ton cœur, rends-lui justice ;
Vieilli sous l’empire du vice,
Trop usé pour la volupté,
Il n’a plus que ce goût factice
Que produit la lubricité.
Sur tes sens, la force invincible,
Que tes ans semblent démentir,
Par les efforts d’un art pénible,
Te prête encore un air sensible,
A l’âge où vient le repentir.
Mais quand, au milieu d’une orgie,
Tes cyniques convulsions,
Tableau raccourci de ta vie,
Peignent en traits pleins d’infamie
L’abus honteux des passions,
Qu’un souffle impur de ton haleine„
Corrompant l’air de ce festin,
Répand par sa vapeur malsaine
L’odeur du v… et du vin ;
Que par un regard clandestin,
Lancé de ta droite à ta gauche,
Ton œil provoque à la débauche
Le vis-à-vis et le voisin,
Tu triomphes de Messaline
Et des bacchantes tour à tour,
Et crapuleuse libertine
Tes excès, empreints sur ta mine,
Font rougir Bacchus et l’Amour.

  • 1Cette pièce qui a pour sous‑titre Portrait au naturel de la décrépite comtesse de B…, doit s’appliquer à la comtesse de Boufflers dont il a été plusieurs fois question dans les chansons du règne de Louis XV. — « Cette vapeur de la boîte de Pandore est un peu méchante ; mais aux grands maux il faut de grands remèdes ; où les calmants ne sont rien, je tiens, moi, qu’il faut appliquer les caustiques. Sa satire, l’épigramme bien aiguë et le déchirant sarcasme sont les extirpateurs du vice moral, comme le vitriol l’est du vice physique. Ne pas les employer, c’est ménager le malade et rendre son mal incurable. » (Correspondance secrète de Métra.) (R)

Numéro
$1474


Année
1780




Références

Raunié, IX,247-48