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Le moment de la recette.

Le moment de la recette
Anecdote véritable, dédiée aux épigrammatistes
Quel métier que celui de faire une épigramme !
Comment trouve-t-on quelque attrait
À médire, à contrister l’âme
D’un être qu’à peine on connaît !
Si les divers écrits que votre muse immole
De la censure amère ont mérité les traits,
Critique intolérant, croyez-en ma parole :
Il est assez puni celui qui les a faits.
Il eût, je l’avouerai, mieux fait de ne rien faire.
Sans doute il a tort, mais enfin
Pourquoi l’injurier ? et simple fantassin,
Vouloir à tous faire la guerre ?
Quel fut le sort de Roy, de Rousseau, de Piron ?
Ils voyaient, direz-vous, la bonne compagnie.
Je le sais ; toutefois en aimant leurs saillies
On redoutait leur aiguillon.
Ce destin à vos yeux est-il digne d’envie ?
Encore si le mépris dont on vous couvre un jour
Était le seul chagrin dont vous puissiez vous plaindre.
Quand on a su se faire craindre
On doit bientôt craindre à son tour.
Tant d’outrage à la fin lasse la patience.
On guette l’homme aux vers méchants,
Sur son dos à plaisir on venge son offense.
Personne n’est tenté de prendre sa défense
Ou c’est de rire à ses dépens.


Chez la marquise de Mimeure
Avec le satirique Roy
Lubert avait soupé ; bientôt chassé par l’heure
L’un et l’autre s’apprête à regagner chez soi.
Mais d’accompagner Roy, Lubert eut quelque effroi.
Eh, pourquoi, président, demande le poète
Ne pas me faire cet honneur ?
Il est minuit sonné, dit Lubert, serviteur,
C’est le moment de la recette.

Numéro
$2760


Année
1783




Références

F.Fr.13653, p.298-99 - CSPL, t.XV, p.168-69