Sans titre
J’ai vu tomber le sceptre aux pieds de Pompadour.
Mais fût-il relevé par les mains de l’amour,
Belle Agnès, tu n’es plus ; le fier Anglais nous dompte1
,
Tandis que Louis dort dans le sein de la honte
Et d’une femme obscure indignement épris
Il oublie dans ses bras nos pleurs et nos mépris.
Tu n’es plus, belle Agnès, ton altière tendresse
Dédaignerait un roi flétri par la bassesse.
Tu courrais réparer les malheurs d’Édouard
En offrant ton amour à ce brave Stuart.
Hélas ! pour t’imiter il faut de la noblesse.
Dans le roi tout est vil. Roi, ministres et maîtresse,
Tous disent à l’envi qu’il agit en grand roi,
Du bonheur des Français qu’il s’est fait une loi,
Qu’il veut chercher en tout le salut de la France.
Voilà la flatterie et voici la prudence.
Peut-on par l’infamie arriver au bonheur.
Un peuple s’affaiblit par le seul déshonneur.
Rome, cent fois vaincue, en devenait plus fière,
Et les plus grands malheurs la rendraient plus altière.
Ainsi Rome parvint à dompter l’univers.
Et toi, lâche ministre, ignorant ou pervers2
,
Tu trahis ta patrie ou tu la déshonores,
Poursuivant un héros que l’univers adore,
On drait que Brunswick t’a transmis ses fureurs.
Quoi, ministre, inquiet de tes justes fureurs,
Le seul nom d’Édouard t’épouvante et te gêne.
Mais apprends quel sera le fruit de cette haine.
Albion sent déjà qu’Édouard est son roi,
Digne par ses vertus de lui donner la loi.
Elle offre sur le trône abri à ce grand homme,
Trahi tout à la fois par la France et par Rome
Et bientôt les Français, tremblants, humiliés,
Du nouvel Édouard iront baiser les pieds.
Voilà l’horrible fruit d’un olivier funeste
Et de nos vains lauriers le déplorable reste.
Arsenal 3128, f°349r-349v