Chanson sur Madame de Châteauroux
Quand l’évêque de Soissons1
Eut envoyé faire faire
Au nom du Roi deux guenons2
Qui suivaient les vivandières,
Châteauroux disait tout bas :
Mon petit cœur, vous ne m’aimez guère
Car tout ça ne vous touche pas,
Hélas, vous ne m’aimez pas.

Je brûle pour vos ducats
Et vous m’auriez tout entière
Si certain duc3 n’avait pas
Auparavant su me plaire.
Vous seul l’ignoriez, hélas !
Mon petit cœur, etc.

Richelieu4 vous l’a tant dit
Que la cabale à bréviaire5
Allait vous tourner l’esprit
Qu’il fallait la faire taire
Ou bien ne l’écoutez pas
Mon petit coeur

Nous étions par vos bontés
Deux madames des plus fières ;
Nous voilà deux culs crottés,
Deux chétives dindonnières,
De nous chacun se rira,
Mon petit cœur, etc.

Mais hélas, je le vois bien,
J’ai beau dire, j’ai beau faire,
Cruel, vous n’écoutez rien
Que la voix qui vous éclaire.
Elle vous rend à vous, hélas !
Mon petit cœur, etc.

Si j’avais la fermeté
De madame de la Vallière6
Mais en amour j’ai goûté
Le doux plaisir du contraire
Peut-être cela viendra
Mon petit cœur, etc.

Adieu donc, cruel, adieu,
Soyez grand par ma misère
Mais comptez qu’en quelque lieu
Où m’envoie votre colère,
Je vais crier haut et bas,
Mon petit cœur, etc.

• 1Barwick, évêque de Soissons (M.)
• 2La duchesse de Lauraguais (M.) et Mme de Châteauroux.
• 3Le duc de Bourbon, qui était son amant, la maria à M. de la Tournelle et la dota (M.).
• 4Vignerot, duc de Richelieu (M.).
• 5Les gens d’Église (M.).
• 6La Baume Le Blanc, duchesse de la Vallière, maîtresse de Louis XIV (M.).