Le Réveil du lion. Fable
Le Réveil du lion1
Fable
Après mille travaux guerriers
Un lion triomphant, maître de la victoire,
Dormait à l’ombre des lauriers
Dont l’avait couronné la gloire.
Son sommeil redonnait la paix à l’Univers ;
On en devait partout souhaiter la durée ;
Mais poursuivant toujours sa haine invétérée,
L’aigle va chercher l’ours au fond de ses déserts,
Et pour l’engager dans sa cause
Il n’est avantages divers
Que d’avance il ne lui propose.
Marchons : voilà, dit-il, l’instant de mettre aux fers
L’orgueilleux lion qui repose,
Et nous serons les rois de la terre et des mers.
Il dit : déjà de loin on entend leurs murmures ;
Le lion s’éveille à ces bruits ;
Il se lève, il s’élance, et venge ses injures
Même avant qu’ils en soient instruits.
Faibles rivaux, quelle merveille
Va donc produire un tel effort ?
Si quelquefois le lion dort,
Un génie autour de lui veille,
Génie heureux, en qui je vois
Et l’esprit d’Ossat et l’âme de Louvois2
;
Toi dont les soins, la vigilance extrême,
Seconde de Fleury la sagesse suprême3
En veillant avec lui pour la gloire des lis ;
Du sommeil du lion Eugène a fait l’emblème ;
Mais celui du réveil, c’est toi qui le remplis.
Clairambault, F.Fr.12705, p.249-50 - Maurepas, F.Fr.12633, p.347-48 - F.Fr.13661, p.669-70 - Arsenal 3128, f°103r - Bois-Jourdain, II,132-33 - Barbier, II, 487-88
Reproduit également dans un petit ensemble intitulé: Pièces satiriques relatives à la guerre de 1741. F.Fr. 13661 le date de 1734 et le rapporte donc à la guerre de succession de Pologne. Ainsi fait également Barbier.