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La tragédie de Romulus

La tragédie de Romulus1
Trois conspirations et trois sanglants combats
Causent dans Romulus un terrible fracas,
Et ce fracas vient par La Motte
Au mépris des leçons du bonhomme Aristote.
Le Romulus d’Houdart,
Plus tendre que Titus,
Tout rempli de douces vertus,
A l’amour fait céder la gloire.
Quoiqu’une louve fût sa nourrice maman,
Loin d’être dur et fier comme un héros d’histoire,
Il est plus doucereux qu’un héros de roman.
Le Romulus d’Houdart2 est par trop honnête homme,
Je n’y reconnais point le fondateur de Rome.
Au lieu de la férocité
Qui devrait régner dans son âme,
Je n’y vois que tendresse, amour, simplicité,
Il est le jouet d’une femme
Et la dupe de sa bonté.
La Motte fait tant par sa clique
Qu’aux honneurs du noble tragique
Il élève son Romulus,
Qui méritait d’en être exclus ;
Mais je l’attends à la lecture,
Car s’il ne plaît pas aux lecteurs,
Je donnerai, c’est chose sûre
Double calotte à ses flatteurs.

  • 1« Les Français jouent Romulus, qui a été très bien reçu Elle est de M. de La Motte, qui s’est avisé sur le tard d’être poète tragique. Depuis trente ans, il tâte son génie, et s’est amusé à faire des opéras, des odes, des fables, des critiques d’Homère qui n’ont eu de succès que parmi les estimateurs du mérite médiocre. Enfin, il s’est fait poète de cothurne, et ses amis l’ont beaucoup élevé. J’ai voulu voir cette pièce, les vers m’ont paru assez faciles, mais point de style dramatique. Il y a des situations très intéressantes ; tout cela roule sur l’amour de Romulus pour une Sabine, fille de Tatius, et on ne s’attend point à tant d’amour dans le fondateur du peuple romain. Despréaux, dans son Dialogue des romans, a bien frondé tous ces héros amoureux. La conduite n’est point bonne : il y a un siège une bataille, une conjuration et une autre bataille dans les vingt‑quatre heures. » (Journal de Marais.) — Deux lignes de Villemain résument ces critiques : « Romulus, dit‑il, n’est qu’une parodie romaine enchevêtrée d’un amour le plus ridicule du monde. » (R)
  • 2La Motte et Houdart, c’est la même personne (M.) Antoine Houdart de Lamotte, poète et littérateur, membre de l’Académie française (1672‑1731) Il fit jouer avec succès plusieurs pièces Iyriques à l’Opéra, et ralluma la célèbre querelle des Anciens et des Modernes, en faisant précéder sa traduction de l’Iliade d’un discours fort habile destiné à prouver que l’admiration des modernes pour Homère n’était qu’un préjugé. (R)

Numéro
$0483


Année
1722 janvier




Références

Raunié, IV,109-11 - Clairambault, F.Fr. 12698, p.193-94  - Maurepas, F.Fr.12631, p.7-8