

Épître à M. Abraham Hirschel, juif de Berlin1
Tous mes torts sont devant mes yeux.
J’ai lu votre tendre semonce,
Ô le plus pressant des Hébreux !
Vous devoir argent et réponse,
Ce serait trop de l’un des deux :
En payant moitié,l’on s’arrange,
C’est votre loi, soit, marché fait.
Oubliez la lettre de change,
Et je vais répondre au billet.
Je me flattais que la musique,
Dont les accords harmonieux
Souvent des transports furieux
Suspendent l’accès frénétique,
calmerait un cœur généreux,
Attente, hélas ! trop chimérique !
Votre oreille mélancolique
S’oppose au plus doux des vœux !
Quand David jouait de la harpe,
Saül, ce roi, méchant garçon,
Saül ne perdait pas un son,
Et vous bâillez comme une carpe,
Sitôt que je prends mon basson.
Abandonnons-le pour la lyre,
Essayons encore si mes vers
Calmeront mieux votre délire
Que ne l’ont pu faire mes airs.
Avec l’esprit et la figure,
Que vous avez, Monsieur Hirschel,
Auriez-vous bien l’âme plus dure,
Que ne l’eut l’oint de Samuel !
Par Apollon, par Israël,
Remise, je vous en conjure,
Au moins jusqu’à la Saint-Michel,
Pour le coup, ma parole est sûre,
Croyez-m’en, et plus de soupçon.
Ce bon patriarche exemplaire
Qui jamais ne sut dire non,
Cet Abraham, votre patron,
Des vrais croyants était le père.
Le terme est court, soyez content ;
Et plus d’humeur, je vous supplie.
Vivons toujours, en attendant ;
L’espoir est l’âme de la vie ;
Des cieux, c’est le plus beau présent,
Voyez depuis combien de temps
Vous attendez votre messie2.
Numéro $5457
Année 1756
Auteur Martange (Boüet de)
Description
46 vers
Références
CLG [éd. Kölving], III, 87-88
Mots Clefs Lettre de Martange, débiteur désinvolte, à son créancier, Hirschel