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Les plaisirs de la Mosson. Cantate

               Les plaisirs de la Mosson

                                 Cantate

Près des bords enchantés du Mont des Trois Pucelles

Est un palais superbe élevé par les Arts,

Où la paix, l’abondance et les sœurs immortelles,

Loin du trouble des cœurs et des horreurs de Mars,

De cent peuples divers attirent les regards ;

Sous les lois d’un mortel qui ne vit que pour elles,

Tout y rit, tout y plaît, tout y charme les yeux ;

Il y rend tous les cœurs satisfaits de sa joie,

Et les plus doux plaisirs d’une trame de soie

Lui filent à l’envi des jours délicieux.

 

Célébrons les douceurs parfaites

Qu’on goûte en ce charmant séjour ;

Que nos hautbois, que nos musettes

Fassent aux échos d’alentour

Répéter les douceurs parfaites

Qu’on goûte en ce charmant séjour.

À la maîtresse d’Épicure

Chacun consacre son loisir ;

Elle est la règle et la mesure

Du temps qu’on y donne au plaisir.

 

Avec la reine d’Amathonte

L’amitié partage les cœurs,

Et tous les instants qu’on y compte

Y sont marqués par leurs faveurs.

 

On y chante, on y fait la guerre

Aux timides hôtes des bois ;

Et l’on n’y boit que dans un verre

Qui sert à l’Amour de carquois.

 

Célébrons les douceurs parfaites

Qu’on goûte en ce charmant séjour, etc.

 

Mais quelle voix s’y fait entendre !

Est-ce Apollon, Orphée, Amphion ou Linus,

Ou quelque cygne du Méandre

Dont les accords divins ne me sont pas connus !

Non, c’est ce chantre dont la Seine

A cent fois applaudi les sublimes talents,

Le plus cher nourrisson du dieu de l’Hypocrène

Et le père des sons gracieux et brillants.

Sur les couleuvres étouffées,

L’envie en frémissant voit d’un œil égaré

Omphale, Télémaque, Issé, Callirhoé

Lui dresser d’immortels trophées

Dans le temple qu’au goût les dieux ont consacré.

Dans les concerts de la nature

On trouve tous les ornements,

Ils en sont la vive peinture

Ainsi que de ses sentiments.

 

Ils peignent l’hiver, la verdure,

Les fleurs, les zéphirs, le printemps,

Et d’une nouvelle parure

Ils décorent les éléments.

 

Ils tracent de grandes images

Des dieux, des héros, des amants ;

Des morts ils font voir les rivages,

ils en expriment les tourments.

 

Dans les concerts de la nature, etc.

 

Dieux ! que vois-je ? une cour brillante

Y vole sur les pas d’une jeune beauté.

Ah ! c’est Philomèle ou Canente ;

De ses tendres accents mon cœur est enchanté :

Sa voix charme, ravit, émeut, anime, touche ;

Qui l’entend se croit dans les Cieux :

Quand elle chante, elle a les amours dans les yeux,

Et les grâces toujours voltigent sur sa bouche.

 

À ses côtés les ris, les jeux

Apprennent d’elle l’art de plaire,

Et la déesse de Cythère

Tient d’elle cet art précieux.

 

Que dans ces retraites

Les chantres des bois

Dans leurs chansonnettes

Redisent cent fois ;

Qui la voit soupire,

Près d’elle on respire

Les tendres ardeurs,

Et ce qu’elle inspire

Fait que son empire

Est celui des cœurs.

Numéro
$4446


Année
1737 ?




Références

Clairambault, F.Fr.12706, p.59-63 - Maurepas, F.Fr.12634, p.41-44 - 1754, VI, 40-43 - F.Fr.13661, p.481-84 - F.Fr.15148, p.65-72


Notes

La Mosson, propriété de Bonnier, trésorier des Etats de Languedoc. Voir $4445