Le combat de l’abbé de Boismorand et du S. de Thuret,
Dans le maudit antre de Gesvres1
L’abbé Sacredieu l’autre jour
Du sort éprouvant le retour,
La rage dans le cœur, l’écume sur les lèvres,
Par les plus horribles serments
Signalait son emportement.
Toi, dont je porte encore l’inutile livrée,
Grand Dieu ! s’il est vrai que tu sois,
Toi que j’ai tant prôné de fois,
Peux-tu voir faire la curée
De ma bourse aux derniers abois ?
Quoi, Thuret2 , nouveau Cartouche,
Au regard sombre, à l’œil farouche,
Dont la bouche et le nez
De son cœur infecté
Décèlent le fond empesté ;
Thuret, ce gibier de potence,
Affronte encore la roue, et son impunité
Autant que mon adversité
Laissent douter de ta puissance ;
Thuret qui jusque là ne s’était fait qu’un jeu
Des blasphèmes contre son maître,
Outré des derniers traits s’élève tout en feu.
Souffrirai-je, dit-il, qu’un aussi mauvais prêtre
Ose parler de moi comme il parle de Dieu ?
Alors, abrégeant la harangue,
Il vous prend mon drôle au collet.
L’abbé tout-à-coup lui saisit
Les débris impurs que Petit [chirurgien]
Lui sauva de plus d’un naufrage
C’était fait de ces scélérats ;
Le ciel pour en purger la terre
N’aurait pas eu besoin de souiller son tonnerre.
Il suffisait de leurs débats.
Mais des filous fort charitables
Séparèrent ces misérables.
Suprême vengeur des forfaits,
Ne les laisse point vivre en paix.
Pour ton honneur et pourlle nôtre,
Qu’un jour ils puissent à jamais
Aller au Diable l’un et l’autre.
- 1Le combat de l’abbé de Boismorand et du S. de Thuret, directeur des jeux de l’hôtel de Gesvres.
- 2M. Thuret est filleul du prince Eugène ; on dit même qu’il était son bâtard. Il a été onze ans directeur de l’Opéra, pour raison de quoi il a 10 000 # de pension. C’est le plus grand putassier du royaume.
NAF.9184, p.441