

Le cochon1. Conte allégorique2
Du corps inamovible un de nos présidents,
Que, sauf respect, Berthier on nomme,
Dans son hôtel avait, depuis quatre ans,
Petit cochon dont parfois le bonhomme
Se récréait, quand travaux importants
Avaient parfois fatigué sa cervelle.
Douce harangue ou gentille oraison
Il lui faisait : entre eux sympathie était telle
Que le goret était de la maison
Le grand ami ; Berthier, comme son frère,
Le festoyait et lui faisait grand-chère :
Tous les reliefs il lui portait,
Partant le drôle profitait,
Était gras comme père et mère.
En animal reconnaissant,
En bon cochon il caressait son maître ;
Puis se vautrait en l’abordant,
Sitôt qu’il le voyait paraître,
Sans cesse il lui disait : hon, hon ;
Chacun harangue à sa façon.
Hon, hon, dans son style veut dire
Devoir, soumission, respect3.
Le président, à son aspect,
En le flattant, daignait sourire.
L’ami cochon, dans l’hôtel bien traité,
N’en eût voulu déguerpir de la vie.
Mais tout prend fin, tout n’est que vanité
Dans ce bas monde, et liesse est suivie
De repentir et de soucis cuisants.
Témoin Berthier qui, pour avoir quatre ans
Inamoviblement seul rendu la justice,
N’a pour lui que la honte et le désagrément
De chercher nouveau logement4 :
Il faut du sien qu’il déguerpisse ;
Ce qu’il fait très doucement.
Mais son cochon pense autrement :
Le déloger est la chose impossible ;
Le drôle se croit bonnement
Plus que son maître inamovible5.
Numéro $1377
Année 1774
Description
39 vers
Références
Raunié, IX,26-27 - F.Fr.13652, p.273-74 - BHVP, MS 703, f°251r-251v - Mémoires secrets, V, 706-07 - Hardy, III, 769-70
Mots Clefs Le cochon de Berthier, président du parlement Maupeou