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Harangue de M. le Camus (parodie)

Harangue de M. le Camus, premier président de la cour des Aides,
au Roi, mise en vers1
Sire,
Tant de rapidité règne dans vos conquêtes
Qu’il faut des descendants préparer les têtes,
Du miracle adoucir encore l’étonnement,
De crainte qu’un hasard arrivant sûrement
N’otât la liberté, trahissant votre gloire,
Aux héros de le suivre, aux peuples de le croire.

Non, Sire, il est plus clair que n’est le plus clair jour
Qu’ils n’en douteront point en lisant votre histoire,
Que l’on a vu Louis, retournant de la gloire
Et chef de ses soldats la décrire à son tour
Lui-même au Champ de Mars sur la peau d’un tambour.
C’est les avoir gravés au temple de Mémoire.

Les siècles reculés apprendront que l’Anglais,
Cet ennemi si fier, si jaloux des Français,
S’est vu pourtant contraint, eh ! qui le pourrait croire ?
De tourner, retourner autour de la victoire ;
La victoire était vôtre, et tous leurs alliés
De leur honte ont été témoins humiliés.
Ils n’ont tous accouru, pleins d’ardeur de se battre
Que pour éterniser qui les devait abattre.

Nous osons dire encore à Votre Majesté,
Quel que soit son amour pour son peuple enchanté,
Qu’un secret seul pourrait croître notre avantage :
C’est de diminuer son trop ardent courage.
On nous vendrait trop cher un prodige si grand
S’il coûtait le péril du père et de l’enfant.


Parodie du
Discours prononcé devant le Roi dans sa tente à Pont à Chin sous Tournay, le 4 juin 1745 par M. Le Camus, Premier président de la cour des Aides et commandeur des ordres de S.M.
Sire,
Les conquêtes de V.M. sont si rapides qu’il s’agit de ménager la croyance des descendants et d’adoucir la surprise des miracles, de peur que les héros ne se dispensent de les suivre et les peuples de les croire.
Non, Sire, il n’est plus possible qu’ils en doutent lorsqu’ils liront dans l’histoire qu’on a vu Votre Majesté à la tête de ses troupes et écrire elle-même au champ de Mars sur un tambour ; cela sera gravé à toujours au temple de Mémoire.
Les siècles les plus reculés sauront que l’Anglais, cet ennemi fier et audacieux, cet ennemi jaloux de vore gloire, a été forcé de tourner autour de votre victoire, que leurs alliés ont été témoins de leur honte, et qu’ils n’ont tous accouru au combat que pour immortaliser le triomphe du vainqueur.
Nous n’osons dire à V.M., quelque amour qu’Elle ait pour son peuple, qu’il n’y a plus qu’un secret d’augmenter notre bonheur, c’est de diminuer son courage, et que le Ciel nous vendrait trop cher ses prodiges, s’il nous en coûtait vos dangers ou ceux du jeune héros qui forme nos plus chères espérances.

  • 1C’est le discours que M. le Camus, premier président de la cour des aides, avait adressé au roi lors de la députation des cours supérieures à Lille, après la victoire de Fontenoy (Marville).

Numéro
$3180


Année
1745 juin




Références

Clairambault, F.Fr.12713, p.195-96 - Maurepas, F.Fr.12648, p.183-84 - F.Fr.10477, f°266 - F.Fr.12648, p.185-186 - F.Fr.13658, p.28-29 - Arsenal 3128, f°339v - BHVP, MS 555, f°89r - Barbier, IV, 47-50 - Luynes, Mémoires, t.VI, p.480 - Marville, II,100



Notes

Voir le vrai discours en £0054