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Sans titre

Ministre respectable autant qu’infortuné
Le Blanc, à quel revers es-tu donc destiné ?
De l’injustice et de l’envie
J’ai vu le souffle empoisonné
Attaquer ta gloire et ta vie.
Mais contre leurs projets ton roi te sert d’appui,
Il te rappelle auprès de lui ;
Les cœurs volent sur ton passage
Pour te rendre le juste hommage
Qu’on doit au vrai mérite indignement proscrit.
Et dans nos yeux charmés, ton triomphe est écrit.
Mais quoi ! le ciel aussi contre toi se déclare
Traisnel meurt1 , la Parque barbare
Commence en le frappant, à te percer le cœur.
Que dis-je ! ô mortelle douleur !
Jusqu’où va sa fureur extrême ?
Elle ose s’en prendre à toi-même2 .
La cruelle déjà vient de t’ouvrir le flanc,
Elle lève sur toi ses plus funestes armes.
Arrête ! respecte Le Blanc.
Le prince3 et les sujets le couvrent de leurs larmes.
Ah ! si tu demandes du sang,
Parmi ses ennemis va choisir la victime :
Pour venger la vertu tu dois punir le crime.

  • 1Hier, M. de Traisnel, gendre de M. Le Blanc, mourut de la petite vérole à neuf heures du matin. Il n’était arrivé de son régiment que le vendredi, il tomba malade le samedi, et le voilà mort le jeudi suivant. Il avait fait des actions merveilleuses pour son beau‑père qui lui, de son côté, a eu une faiblesse dimanche dernier, et a une fièvre lente dont on ne dit pas de bien. » (Correspondance de Marais, 12 juillet.) (R)
  • 2Le Blanc avait été vivement affecté de sa disgrâce et de la mort inopinée de son gendre, mais ce n’étaient pas les seules causes de ses souffrances. « Il aime la bonne chère, nous dit Barbier, il a trop mangé à un souper chez Samuel Bernard, et il en est encore incommodé. » Et ailleurs : « M. Le Blanc est toujours malade ; on parle d’un abcès dans le foie. Je crois que son grand mal est d’avoir une ancienne vérole. Les grands hommes au‑dessus du commun ont toujours été accusés de débauche. » (R)
  • 3« Il est étonnant de voir les attentions du roi pour M. Le Blanc ; il a défendu aux cent suisses et aux gardes de battre, ni quand il va à la messe, ni quand il sort, de peur que le bruit des tambours ne l’incommode. Cela n’est peut‑être jamais arrivé. Et il envoie savoir de ses nouvelles quinze fois par jour, c’est‑à‑dire à tout moment. Il dit que ce sont les tourments qu’on lui a fait subir qui l’ont mis dans cet état‑là. Il lui a fait défense de travailler, crainte d’altérer sa santé. » (Journal de Barbier.) (R)

Numéro
$0626


Année
1726




Références

Raunié, V,86-88 - Clairambault, F.Fr.12699, p.343 - Maurepas, F.Fr.12631, p.347 - F.Fr.9352, f°265 - F.Fr.13660, f°71r  - F.Fr.15143, p.351-52 - F.Fr.15231, f°61r - BHVP, MS 639, p.377-79