Sans titre
Venez à moi, grand et petit,
Entendre un étrange récit
D’un avocat à sa maîtresse1 ;
Pour lui témoigner sa tendresse
Avant d’en venir à l’hymen
Lui fit subir cet examen.
Ma belle, avant d’aller plus loin
Puisque nous sommes sans témoin,
Sans doute que vous savez lire
Et par conséquent bien écrire.
Car j’ai besoin de ces talents
Pour bien employer tout mon temps.
Dès que nous serons mariés,
Pour que de cœur soyons liés,
Il est bon de vous dire encore
Que les matins avant l’aurore,
Il vous faudra lire Cujas,
C’est un auteur dont je fais cas.
Tous les soirs, dès qu’il sera nuit,
Vous écrirez jusqu’à minuit
Mille et mille sortes de choses,
Des points de lois avec les gloses.
Voilà ce que de vous je veux
Quand nous serons unis tous deux.
Ceci mérite attention :
Mais j’y ferai réflexion,
Lui répondit la jeune fille,
Qui de le laisser tout seul grille
Pour aller conter tout ceci
A sa mère, à son oncle aussi.
Le corps à terre, prosterné,
Plutôt la mort que Dominé
(C’est le nom de l’homme d’affaires)
Dit-elle en pleurant à sa mère.
Oui, j’aime mieux mourir cent fois
Que d’épouser homme de loi.
Ma chère fille, levez-vous,
Il ne sera point votre époux.
Son oncle lui parla de même.
Finissez votre peine extrême.
Il vous le faut congédier,
Apportez vite du papier.
Vous apprendrez par cet écrit
Que vu mon trop petit esprit,
Je ne serai point votre femme
Et je le jure sur mon âme,
Domine labia mea,
Non aperies haut ni bas.
- 1Cette chanson a été faite sur le même avocat Dominé dont il a été parlé dans les couplets précédents [$6542], et cette aventure lui arriva peu de temps avant la bastonnade, ce qui prouve que c’était un esprit bien extraordinaire. (M.)
Mazarine Castries 3988, p.200-03