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L'Art de foutre

l’Art de foutre

ou

Paris foutant

Sur la musique du prologue de l’Europe galante qui commence ainsi : Frappez, frappez, ne vous lassez jamais, etc.

 

Ballet

Représenté aux Porcherons dans le bordel de Mlle de la Croix, fameuse maquerelle, le premier jour de janvier 1741.

Et Vénus au théâtre presque tous les jours de fêtes de cette année. A Paris chez Dom Bougre, imprimeur de tous les fouteurs et de tous les cocus du royaume, à l’enseigne du Vit. A la Grenadière.

 

Épître dédicatoire à M. D… D… D… M

Vous dont le vit prédestiné

Incessamment fout et décharge,

Oh vous, que de leurs dons tous les dieux ont orné

Et qui trouvez étroit le vagin le plus large,

Vous enfin, suprême fouteur,

Du temple de Vénus grand sacrificateur,

Dispensateur des chaudes-pisses,

Des couilles et des cons l’exemple et les délices,

Permettez que sous vos auspices

J’ose de la foutaise exprimer tous les traits.

De mon vit au berceau ce sont là les prémices.

Il ne fout qu’en tremblant le cons les moins novices.

De votre foutre animez mes portraits,

Répandez-y tout le feu qui vous brûle.

Qu’à la fois Adonis, Hercule,

Maquerelles, putains confirment mes succès,

Que votre vit foutant soit le dieu qui m’inspire

Et qu’en suivant de si nobles essais

Ma muse à l’art de foutre unisse l’art d’instruire.

 

Ballet

Entremêlé de danses, de lazzis et de pantomimes, le tout imité fidèlement des postures de l’Arétin.

 

Personnages du Ballet

Mademoiselle de la Croixmaquerelle

Mademoiselle Petit la jeunePutain

Mademoiselle Le Sueurautre putain

Mademoiselle Du Plessistroisième putain

Mademoiselle Rosettequatrième putain

Mademoiselle Moutoncinquième putain

Mademoiselle Lempereursixième putain

Mesdemoiselles Angélique, Rabon et Julie, garces

Monsieur Dalbicommissaire

 

Chœurs

Des garces, maquerelles, maquereaux et piliers de bordel, tirés des comédies françaises et italiennes et de l’Opéra.

Mousquetaires

Fouteurs au nombre de six Messieurs

Archers qu’on ne voit pas, mais qu’on entend.

Suite des garces du cu et des laveuses de vit.

 

Approbation

J’ai lu par ordre du comte de Foutout le Ballet de Paris foutant, et je n’y ait rien trouvé qui puisse en empêcher l’impression, l’auteur ayant bien rendu la nature. A Paris, ce 1er janvier 1741. Signé Vired.

 

Paris foutant

Ballet pantomime

Le théâtre représente un vaste appartement enrichi de tous les emblèmes du bordel. Les six putains qu’on a désignées sont sur le devant du théâtre, toutes dans des postures différentes et prêtes à être foutues. La maquerelle est au milieu. Plus loin sont trente-six putains partagées dans l’enfoncement du théâtre, exécutant au naturel les trente-six postures de l’Arétin. Le chœur des garces, maquerelles, maquereaux, fouteurs sont autour des putains et la souveraine maquerelle. Les six fouteurs élus se mettent en état de foutre et la maquerelle excite à la foutaise.

 

Scène I

La maquerelle, les trois garces et les six putains

 

La maquerelle

Foutez, foutez, ne vous lassez jamais

Qu’aux coups de cu le con réponde.

Du puissant art de foutre épuisez les secrets

Remplissez de nos cons l’ouverture profonde.

Foutez, foutez, ne vous lassez jamais

Que sur le con votre bonheur se fonde.

 

Les six putains

Foutons, foutons, ne nous lassons jamais

Qu’à nos efforts le vit réponde.

Du puissant art de foutre épuisons les secrets,

Élargissez des cons l’ouverture profonde.

 

Le chœur et les six putains ensemble

Foutons, foutons, ne nous lassons jamais

Qu’aux coups du cu le con réponde.

 

La maquerelle

Le dieux qui lance le tonnerre,

Tous les dieux de leur foutre ont inondé la terre,

Car ce n’est qu’en foutant qu’on peut leur ressembler.

Hâtez-vous de vous accoupler.

Foutez, servez d’exemple aux plus vigoureux carmes,

Et vous à leurs regards étalez tous vos charmes.

 

Les six putains s’avancent et les six fouteurs ne bandent point. Deux putains leur mettent la main au vit et en leur chatouillant les couillons tentent de rappeler chez eux l’ardeur des autres fouteurs qui bandent fortement. L’un veut foutre en charrette brisée, l’autre en levrette, ainsi du reste ; le tout est accompagné de lazzis et de quolibets.

 

Deux garces alternativement avec le chœur

Belles, souffrez qu’o vous foute ;

On est heureux en foutant ;

Laissez enfiler la route

Par derrière et par devant.

Pour apprendre l’art de vivre,

Croyez-nous, foutez toujours,

Que le foutre vous enivre,

Consacrez-lui vos beaux jours.

 

Une garce seule

C’est dans la seule fouterie

Qu’on trouve le germe de tout ;

Le foutre est l’âme de la vie ;

On n’est content que quand on fout.

Dans ces doux moments la folie

Met la sagesse à bout.

 

Comme on est prêt de se foutre, et que quelques vits sont même déjà dans les cons au bruit d’une symphonie lascive, par un changement subit une symphonie bruyante se fait entendre qui interrompt les plaisirs et oblige la plupart des fouteurs à déconner au milieu même de la décharge en annonçant l’arrivé du Commissaire.

 

Scène 2

Le Commissaire, la maquerelle, les personnages précédents

 

La maquerelle

Quel foutu tintamarre ! et quel bougre de bruit ! Oh, Ciel, un commissaire ! Ah, tout mon con frémit.

 

Le Commissaire à la maquerelle

A ma recherche en vain tu prétends te soustraire.

Pour le coup je vous tiens, Mesdames les putains.

Redoutez tout d’un commissaire

Qui vous rendra le mal que lui font deux poulains.

Il est temps d’arrêter le cours des chaudes-pisses

Dont vous avez infesté tout Paris.

Suivez mes pas, venez, Belles, sous mes auspices

De vos dons recevoir le prix.

Nous savons à nos maux opposer un remède

Qui mieux que le mercure a droit de corriger.

Gardez-vous bien de m’outrager,

J’ai des archers là-bas qui viendront à mon aide.

Hâtez-vous donc de déloger.

 

La maquerelle

Ah ! Monseigneur, daignerez-vous m’entendre ?

A de pareils revers, Ciel, devais-je m’attendre ?

Moi qui toujours remplis ma charge avec honneur,

J’essuierais un affront semblable ?

Ne puis-je vous toucher ? Jugez de ma douleur…

L’âme d’un commissaire est-elle inexorable ?

Auriez-vous donc pour moi le cœur si déloyal,

Vous l’appui du quartier, et des vertus le père ?

 

Le Commissaire

Marchons, ce ton commence à me déplaire.

Pour ce retardement, quelques mois d’Hôpital

Décideront l’affaire.

 

La maquerelle

L’Hôpital ! je m’en fous, j’ai partout des amis,

A la ville, à la Cour et même à la Police.

Abbés, marquis, fermiers tous jusques aux commis

Pou moi corrompront la justice.

Mais parlons ! votre cœur est-il toujours d’airain ?

Je veux bien avec vous partager tout mon gain.

A l’aspect de cet or serez-vous insensible ?

 

Le Commissaire

Que vous possédez l’art de nous persuader.

Je voudrais… il n’est pas possible,

Vous avez un pouvoir à qui tout doit céder.

 

La maquerelle en lui donnant de l’argent

Cette somme est bien suffisante.

 

Le Commissaire d’un ton emporté.

Reprenez votre argent, il n’a rien qui me tente.

En vain par son éclat vous pensez m’éblouir.

Je ferai mon devoir ; celui d’un commissaire

Est d’être inflexible et sévère.

Marchez ; hâtez-vous d’obéir.

 

Archers, qu’on ne voit pas mais qu’on entend à la porte de l’appartement

Marchons, hâtons-nous d’obéir.

 

La maquerelle

Apprends que je me fous de toute ta séquelle.

Mousquetaires, à moi ; venez me secourir.

 

Il sort plusieurs fouteurs des diverses chambres, tous l’épée à la main. Il est bon de remarquer que ceux qui se trouvent sur la scène ne sont que des abbés, des petits robins et des sous-fermiers. Ainsi on ne doit pas être surpris que ces personnages restent muets.

 

Le Commissaire se redressant

Modérez vos transports, n’ayons point de querelle ;

Lions nos intérêts d’une haine éternelle.

 

Les mousquetaires remettent leurs épées dans le fourreau, le commissaire les salue humblement ; la maquerelle lui donne encore quelque argent et il sort très satisfait. Pour les mousquetaires, ils restent.

 

Scène 3

La maquerelle, les trois garces, le chœur, les six putains, les six fouteurs, les trente-six autres putains et autant de mousquetaires. Suite de maquerelles, de maquereaux, etc.

 

Les mousquetaires paraissent dans l’enfoncement du théâtre et s’apprêtent à exécuter les figures de l’Arétin avec les trente-six putains. Les six putains de leur côté se remettent dans leur première situation.

 

Un garce qui s’apprête à foutre

Ah ! que mon cœur

Goûte de bonheur !

Un feu divin m’enflamme :

Je meurs… je sens…

Quel trouble dans mon âme !

Quels ravissements !

Mes sens sont pleins d’une douce ivresse,

Une vive ardeur

Succède à ma langueur.

L’amour me presse,

D’autres transports

Font de ma tendresse

Naître les efforts.

De cent plaisirs le torrent m’inonde.

Je brûle grands Dieux !… je me meurs…

Ah ! mon âme abonde

De mille douceurs.

 

On fout. Il se fait là une décharge générale de foutre qui forme le plus beau coup de théâtre qui se puisse imaginer.

 

Second couplet

Ranimons-nous

Par de nouveaux coups.

Ressuscitons la flamme

Que les plaisirs

Allument dans notre âme.

Je sens des désirs,

Mes sens sont pleins d’une douce ivresse.

Une vive ardeur

Succède à ma langueur ;

L’amour me presse.

D’autres transports

Font de ma tendresse

Naître les efforts.

De cent plaisirs le torrent m’inonde

Je brûle… Grands Dieux ! je me meurs…

Ah ! mon âme abonde

De mille douceurs.

 

On fout encore à peu près dans la même situation que la première fois ; toute la différence qui s’y trouve, c’est que la décharge dure plus longtemps et que les culetis sont plus répétés. Un silence profond accompagne l’action.

 

Chœur

Que l’ardeur de foutre nous guide.

Déchargeons, bandons à jamais.

Dans le con le plaisir réside.

Soyons foutus, foutons en paix.

 

La maquerelle

C’est assez fatiguer les vits et les matrices.

En nous foutant des Dieux, craignons les chaudes-pisses

Numéro
$6163


Année
1741




Références

Mazarine Castries 3987, p.295-308