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La fontaine des Maclyens

La fontaine des Maclyens1

Dans son voyage au climat indien

Le véridique et docte Lucien

A fait journal. Il note une fontaine

Miraculeuse, un parfait phénomène :

Pan à ces eaux avait donné son nom,

Pan, dieu d’orgueil et d’insensé jargon.

Là certain jour le peuple venait boire

Et grands parfois au risque de leur gloire.

De cette source à peine a-t-on goûté

Qu’au cerveau monte humeur épaisse et noire

Qui dans l’abord n’est que stupidité ;

Puis se déborde en torrents de paroles

Sans fin, sans suite ; en périphrases folles

Langue inconnue aux gens du lieu natifs.

Argot, qu’ont fait nos braves convulsifs,

Tours figurés et flasques hyperboles,

Portant sur rien, tous mots superlatifs

Dans leurs accès nos gens ont l’avantage

De croire avoir seuls l’esprit en partage,

Considérant comme fous effrénés,

Tous spectateurs qui leur vont rire au nez.

Qu’on les brocarde, enfin qu’on les affiche

Vous les voyez qui morguent telle niche.

Nos contempteurs disaient-ils sont jaloux ;

Bien voudrait-on s’enivrer avec nous.

Elle a changé de cours cette fontaine

Et maintenant coule près de la Seine.

Là sont buveurs dont je me veux éloigner :

N’entends guérir leur mal ni le gagner.

 
  • 1les académiciens.

Numéro
$7457


Auteur
Roy (Pierre-Charles)



Références

Bouquet académique, p.37-40