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La consultation des avocats de Paris

La consultation des avocats de Paris

Du fameux concile d’Embrun

Que faut-il que l’on pense ?

Tous les évêques en commun

En ont pris la défense.

Mais c’est bien affaire aux prélats.

Écoutons plutôt sur cela

Les avocats, les avocats,

Les avocats de France2.

 

Jadis, pour affermir la foi,

Les Pères en concile,

Du Saint-Esprit prenant la loi,

Consultaient l’Évangile.

Ce n’est plus la bonne façon ;

L’Esprit saint doit prendre leçon

Des avocats de France.

 

Quand d’un fatal schisme autrefois

L’église menacée,

Par le concours de trois cents voix

Combattait à Nicée,

Pour terminer tous leurs débats,

Que ne fit-on juger le cas

Aux avocats de France ?

 

Que de troubles ne vit-on pas

Au concile d’Éphèse !

Il fallut livrer cent combats

Pour proscrire une thèse.

Mais fallait-il tant de fracas !

Pourquoi ne consultait-on pas

Les avocats de France ?

 

Des conciles dans tous les temps

On sait assez les formes ;

Leurs canons et leurs règlements

Font des livres énormes.

Mais qu’a-t-on besoin de canons,

Pour moi, je m’en tiens aux factums

Des avocats de France.

 

Peut-on, sans le Code et la Loi,

Condamner une secte ?

Juge-t-on d’un dogme de foi

Sans lire les Pandectes ?

Ah ! réprimons ces attentats ;

Mais j’en appelle avec Cujas

Aux avocats de France.

 

Saint Augustin et Saint Thomas

Ont dit de bonnes choses ;

Mais c’est au corps des avocats

A leur prêter ses gloses.

Honneur aux docteurs, aux prélats !

Mais qu’on ne les compare pas

Aux avocats de France.

 

Nous avons des prélats, des rois,

Balancé la puissance,

Mais trente avocats par leur poids

Font pencher la balance.

Partout quoiqu’on lève les bras

Pour nous réduire en poudre

Il ne faut que trente avocats

Pour écarter la foudre.

 

Qu’on ne compte donc plus sans choix

Des prélats les suffrages,

Un factum sur toutes les voix

Remporte l’avantage.

Esprit Saint, malgré ton pouvoir

Ta sentence est informe

S’il plaît aux avocats de voir

Un défaut dans la forme.

 

Colbert et Caylus à présent

Vous n’avez qu’à vous taire.

Sans vous nous pouvons sûrement

Nous tirer hors d’affaire.

Vous avez, en braves soldats,

Commencé la défaite ;

Mais il fallait trente avocats

Pour la rendre complète.

 

Vos savantes instructions

Ne sont plus à la mode ;

On va dans les décisions

Suivre une autre méthode.

Il ne faut plus en pareil cas

Pour prévenir le schisme

Que faire par trente avocats

Signer un catéchisme.

 

Sur ce modèle apparemment

Au ciel comme sur terre

On aura fait un règlement

À l’égard de saint Pierre.

Quand nos élus arriveront,

S’il leur ferme la porte,

Trente avocats se trouveront

Pour leur donner main-forte.

 

Admirons la simplicité

Des anciens hérétiques :

Que leur en aurait-il coûté

Pour être catholiques ?

Bonnes gens, ne pouviez-vous pas

Sans autre procédure

Citer pour vous trente avocats

Au lieu de l’Écriture ?

 

Poursuivez donc vos ennemis,

Arbitres de l’Église,

Aujourd’hui tout vous est permis

Et, quoique l’on en dise,

Comme un Normant en plein sénat,

Bravez le premier ordre ;

Là faites voir qu’un avocat

Sait aboyer et mordre.

 

Des frères tailleurs, des nonnains

Et des maîtres d’école,

Même à leur tour les médecins

Ont bien joué leur rôle ;

Mais au public ne voulant pas

Laisser reprendre haleine,

Nous députons trente avocats

Pour amuser la scène.

Numéro
$7059


Année
1728

Auteur
Du Cerceau ?



Références

BHVP MS 559, f°9r-10r