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Le pédant quesneliste

Le pédant quesneliste

Certain pédant de contrebande,

Grand ami de Quesnel et de ses partisans,

Expliquait l’Énéide à sa petite bande

(C’était une troupe d’enfants)

Il leur expliquait donc ce qu’avait fait Énée

Quand, quittant de Priam la ville infortunée,

Aussi bon fils que grand héros,

Il porta par amour son père sur son dos.

À ce récit cette tendre jeunesse

Versait des larmes de tendresse

Et louait le bon cœur de ce brave Troyen.

Tout beau, leur dit l’homme de bien,

Cette action vous paraît belle ;

Mais sachez, mes enfants, qu’elle est très criminelle,

Car celui qui la fit ne fut jamais chrétien.

 

Cette petite histoire a du rapport à la proposition 38e de Quesnel, où il dit que le pécheur n’est rien que pour le mal sans la grâce du libérateur… à la proposition 40 où il dit que sans la même grâce, nous ne pouvons rien aimer qu’à notre condamnation, et généralement à toutes celles d’où l’on infère que tout ce que fait l’infidèle ou l’homme pécheur est péché. Elles sont les propositions 1.2. 38. 39. 40. 41. 44. 45. 46. 48. 49.

 

Le quesneliste aumônier

Un quesneliste était dans l’abondance

(C’était un homme de finance

qui regorgeait d’or et d’argent.)

Un pauvre lui dit humblement :

Assistez-moi, Monsieur, je suis dans l’indigence.

Dieu sera votre récompense.

Je ne puis, répondit-il, et j’en suis bien fâché,

Car comment voulez-vous que je vous satisfasse ?

Je ne sais si je suis en grâce,

Et si je n’y suis pas je ferais un péché.

 

Cette charitable et consolante réponse est fondée sur les propositions 38. 40. 45, etc. On vient de rapporter les deux premières.

 

Le quesneliste débauché

Un fameux débauché fut touché d’un sermon.

Pour calmer ses remords et vivre en assurance,

Il voulait, disait-il, travailler tout de bon

À réformer ses mœurs et faire pénitence.

Lorsqu’il méditait ce dessein,

Un livre* tomba sous sa main :

Il le crut bon, le lut, y trouva que la grâce

Agissant invinciblement,

Quelque résistance qu’on fasse

Emportait le consentement.

Or comme la vertu lui semblait difficile,

Certes, dit-il, la grâce est encor à venir.

Je sens bien que je fais un effort inutile.

Attendons qu’elle vienne, et tout sera facile,

Son attrait sûrement me fera consentir.

Cet homme, sur la foi du nouvel Évangile,

Est encore à se repentir.

*Quesnel.

 

Ceci a rapport aux propositions 3. 4. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21.

Prop. 1. La grâce est une opération de la main toute puissante de Dieu que rien ne peut retarder.

Prop. 11. La grâce n’est autre chose que la volonté toute puissante de Dieu qui commande et qui fait tout ce qu’il commande.

 

Réponse d’un pécheur quesneliste lorsqu’on l’exhorte à prier.

Vous perdez temps à m’exhorter,

Je suis pécheur, et ma misère

Est de ne pouvoir m’acquitter

Du devoir de l’humble prière.

 

Car enfin, pour prier la grâce est nécessaire.

Je n’en ai point, étant pécheur,

Et puisque mon pardon doit être la première

J’attendrai pour prier mon pardon du Seigneur.

 

Cette réponse s’accorde parfaitement avec la 28ème proposition.

Prop. 28. La première grâce que Dieu accorde au pécheur, c’est le pardon de ses péchés.

 

Nécessité d’un second baptême pour les quesnelistes

Puisque la grâce du baptême

Fait que l’homme meurt à lui-même

Et qu’il agit sans passion

Comm’un mort est sans action,

La grâce étant toute-puissante

Et malgré l’homme triomphante,

Furent-ils donc bien baptisés

Ceux dont la fureur scandalise,

Qui, comme des loups déguisés,

Mordent les pasteurs de l’Église ?

Et si leur doctrine est de mise,

Peut-on mieux les apprivoiser

Qu’en les faisant rebaptiser ?

Sur ce pied tous les quesnelistes

Seront autant d’anabaptistes.

 

La proposition 43 démontre manifestement cette nécessité. Le premier effet de la grâce du baptême est de nous faire mourir au péché ; en sorte que l’esprit, le cœur, les sens n’aient non plus de vie pour le péché que ceux d’un mort pour les choses du monde.

 

Le Saint Esprit corrigé par Quesnel

Craignez le Seigneur tout-puissant,

Par là commence la sagesse.

L’Esprit Saint nous le dit ; l’Écriture est expresse ;

Mais Quesnel n’en dit pas autant ;

Car si nous en croyons ce dévot personnage

Quiconque agit par crainte est au crime attaché.

Est-ce, nous dira-t-il, commencer d’être sage

Que commencer par un péché ?

 

Cette correction est fondée sur les propositions 60, 61, 62, 63, 66, 67. On la peut conclure aussi des propositions 45, 46, 47.

Proposition 60 – Si la seule crainte du supplice anime le repentir, plus ce repentir est insolent, plus il conduit au désespoir.

Cette proposition est la contradictoire du canon 8ème de la session 6ème du concile de Trente.

 

Le saint homme Job déclaré criminel

Si jamais l’innocent ne devient misérable

Comme un nouveau docteur le dit,

Job que jadis on vit réduit

À l’état le plus déplorable

Était sans doute bien coupable.

Mais qui l’aurait jamais pensé,

Lui que le Saint Esprit a tant préconisé ?

 

Telle est la conclusion naturelle de la proposition 70 : Dieu n’afflige jamais des innocents.

 

Avis charitable d’un quesneliste à un pécheur qui prie Dieu

Jetez sur un impie un regard favorable,

Seigneur, amollissez mon cœur

Et daignez me prêter une main secourable.

Ainsi parlait un grand pécheur.

Un quesneliste entendant sa prière

Lui dit, le Ciel pour toi ne sera que de fer ;

Tu ferais bien mieux de te taire,

Tu deviens en priant plus digne de l’enfer.

 

Proposition 59 – La prière de l’impie est un nouveau péché, et ce que Dieu leur accorde un nouveau jugement sur eux.

 

Avis de Bias conforme à celui du quesneliste

Des mariniers, gens de sac et de corde,

Prêts de périr par un vent furieux,

Dans ce danger levaient les mains aux cieux,

Criant, mon Dieu, miséricorde.

Ah ! malheureux, lui dit Bias,

Cachez-vous bien et parlez bas.

Car si les dieux peuvent apprendre

Que vous soyez dans ce vaisseau,

Rien ne pourra plus nous défendre

D’être abîmés au fond de l’eau.

Ce Bias était quesneliste

Ou bien Quesnel est biasiste.

 

Confiance du pécheur imbu des principes de Quesnel

Je l’avouerai, Seigneur, je n’ai pas fait le bien

Que vous me commandiez de faire.

Mais le pouvai-je ? eh ! quel moyen ?

Avais-je le secours qui m’était nécessaire ?

Non, Seigneur, je ne l’avais pas ;

Car ce secours, c’est votre grâce ;

Or elle est toujours efficace

Lorsqu’au faible mortel vous prêtez votre bras.

Vous commandez alors et nous faites nous-même

Agissant en Dieu tout-puissant.

Ainsi tout doit céder à ce pouvoir suprême ;

L’homme a beau se défendre ; il est obéissant.

Que dis-je ? Son obéissance

Prévient même sa résistance

Car rien ne retarde un moment

Ce qu’a droit d’exiger votre commandement.

Quoi, Seigneur, serais-je coupable,

Pour n’avoir pu vous obéir ?

Et voudriez-vous me punir

Pour m’avoir laissé misérable ?

Votre bonté s’oppose à de tels sentiments,

Je ne craindrai donc rien de mes égarements.

 

Les propositions 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 inspirent cette confiance au pécheur.

Propos. 11 – La grâce est la volonté toute-puissante de Dieu qui commande et qui fait tout ce qu’il commande.

Propos. 10 – La grâce et une opération de la main toute-puissante de Dieu que rien ne peut empêcher ni retarder.

 

Différence du peuple juif et des chrétiens

Que notre sort était à plaindre,

Pauvre peuple que Dieu choisit !

Hélas ! la grâce qu’il nous fit

Fut seulement de nous astreindre

À remplir une loi qu’il lui plut d’établir

Sans nous mettre en état de pouvoir la remplir.

Pour nous, loin d’éprouver une telle misère,

Nous avons le bonheur que tout ce qu’il prescrit,

Lui-même en nous il l’accomplit

Et ne nous laisse rien à faire.

 

Cette différence est énoncée clairement dans les propositions 6, 7, 8, 11.

Propos. 6 – Quelle différence, O mon Dieu, entre l’alliance judaïque et l’alliance chrétienne ! L’une et l’autre a pour condition le renoncement au passé et l’accomplissement de notre loi. Mais là, vous l’exigez du présent en le laissant dans son impuissance. Ici, vous lui donnez ce que vous lui commandez en le purifiant par votre grâce.

Propos. 7 – Quel avantage y a-t-il pour l’homme dans une alliance où Dieu le laisse à sa propre faiblesse en lui imposant sa loi ? Mais quel bonheur n’y a-t-il point d’entrer dans une alliance où Dieu nous donne ce qu’il demande de nous ?

 

Numéro
$4579


Année
1713?




Références

Lyon BM, MS 760, f°55-57


Notes

Succession de  petites fables ou apologues sur les propositions condamnées de la Bulle avec commentaires théologiques. Un des rares textes anti-jansénistes.