

L'appel du cardinal de Noailles
Vous revenez de Paris?
Vraiment, ma commère, oui.
Savez-vous la grande affaire ?
Vraiment, ma commère, voire ;
Vraiment, ma commère, oui.
L'appel est fait, à ce qu'on dit1 ?
L'on n'en fait plus de mystère.
Les Jésuites le savent-ils ?
Ils en crèvent de colère.
La grâce triomphe aujourd'hui,
Sans elle on ne peut rien faire.
Le cardinal en est l'appui,
Il en a toute la gloire.
Saint Paul n'a-t-il pas écrit
Qu'à tous elle est nécessaire ?
La morale est sans contredit,
Pourquoi donc ne la pas croire?
L'Évangile nous est permis:
Lisons-le, on ne peut mieux faire.
La foi se relève aussi,
C'est la grâce première ;
A Rome on la contredit,
Laissons dire le Saint-Père.
Il fulmine, il interdit,
Ce n'est pas là notre affaire.
Tenons-nous à Jésus-Christ ;
A lui seul nous devons plaire.
Le Parlement appelle aussi
De la lettre du Saint-Père2.
Tout est dans ce pauvre écrit,
A nos libertés contraire ;
II est de plus, à ce qu'on dit,
Contre la forme ordinaire.
Le concile est déjà saisi ;
Rome ne peut plus rien faire.
Que de chagrin pour Bissy !
On dit qu'il s'en désespère.
Quelques moines sont pour lui:
Chacun en sait le mystère.
A la besace il est réduit ;
Ah ! quelle étrange misère !
Est-il un plus faible appui
Que celui de ces gueux Pères ?
Rohan peste et jure aussi
Du train que prend cette affaire.
A Strasbourg, sans contredit,
Il vantera le Saint-Père.
Les dames iront avec lui,
Mais on n'y péchera guère.
A Sodome, à petit bruit,
Se réjouiront les commères.
Sait-on ce que fait Mailly ?
Ses chanoines il fait taire.
Il en aura le démenti,
Et je ne m'en soucie guère.
Le mandement d'Aubigny
Est tombé dans la poussière3.
D'autres y tomberont aussi
Dès qu'ils verront la lumière.
Soissons n'a-t-il pas écrit ?
Il a fait deux gros mémoires4.
On y répond, à ce qu'on dit,
Il aura les étrivières.
Eh quoi ! Beauvais fulmine aussi;
Il eût mieux fait de se taire5.
Gothon Richard6 en a dépit:
Elle craint pour son histoire.
Augustin revit aujourd'hui ;
Rome le croit trop sévère.
Demeurons donc à Paris,
Pour lire en repos ce Père.
Quesnel est un saint qui pâtit ;
Ses souffrances font sa gloire.
Je veux entrer dans son parti ;
C'est à Dieu que je veux plaire.
Le cardinal est applaudi:
Dieu prend soin de son affaire.
Docteurs et curés sont à lui.
En sont-ils suivant nos Pères?
Ce sont les saints de ce temps-ci ;
Pour Dieu ils sont prêts à tout faire.
Le Molina sera détruit ;
En sa place on mettra Prospère.
On cite Fulgence aussi
Comme un père de lumière.
L'on a fait de beaux écrits ;
Envoyons-les au Saint-Père.
De les lire le voudra-t-il?
J'ai de la peine à le croire.
Il ne veut point de dédit,
Ses lettres nous le font croire.
Voyons-nous des papes soumis?
Nous le lisons dans l'histoire.
Clément n'est pas plus grand que lui:
Que ne rétracte-t-il sa bulle noire?
Les Jésuites l'ont séduit ;
Que n'abolit-on ces Pères?
Ils soulèvent les esprits,
A l'Église ils livrent la guerre.
C'est de Rohan et Bissy
Qui sont les héros de ces Pères.
Je crois qu'ils perdront l'esprit
Pour soutenir le Saint-Père.
Madot à Chalon fait grand bruit,
Surtout dans les monastères7.
De Joy8 aux Jésuites a promis,
Pour n'être plus au séminaire.
D'un évêché il est muni.
Vraiment, ma commère, oui.
Par les intrigues de ces Pères.
Vraiment, ma commère, voire,
Vraiment, ma commère, oui.
Numéro $0317
Année 1718
Sur l'air de ... Vraiment, ma commère,
Description
53 x 2 + refrain
Notes
Clairambault, F.Fr. 12697 présente un ordre tout différent des couplets et de nombreuses divergences.
Références
Raunié, III,90-98 - Clairambault, F.Fr.12697, p.91-96 - Maurepas, F.Fr.12629, p.313-21
Mots Clefs Jansénisme Noailles ; Rohan ; Bissy ; Le Tellier, d'Aubigny, appel, évêques de Soissons, de Beauvais, Languet de Gergy, Molina, Clément XI, Madot,