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Réponse de l’archevêque de Paris sur son bréviaire

Réponse de l’archevêque de Paris sur son bréviaire

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

Tout par ces Révérends se prise :

Vertu, savoir, mérite, esprit.

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Qu’un sot à l’épiscopat vise

Et veuille en cour être introduit,

Si Linière1 le favorise,

Il obtiendra ce qu’il poursuit :

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Qu’un prélat fasse une sottise,

Dès que votre ordre le conduit

Aussitôt on le canonise

Et chacun de vous l’applaudit.

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Que La Fare2 se tympanise

Par maints séditieux écrits

Et qu’à Laon il vous introduise,

C’est un martyr de Jésus-Christ :

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Que Ségur anathémise

La Bulle qu’il avait souscrit3 ,

Votre Ordre aussitôt le méprise.

On dit qu’il est de Dieu maudit.

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Par un catéchisme à sa guise

Qu’à Sens Languet ait tout détruit4 ,

Qu’ici Nivelle il préconise5

Personne ne le contredit :

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Que tout Amiens se scandalise

Des farces de votre Mauduit6

Nul de vous ne s’en scandalise.

La Motte les souffre, il suffit :

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Que pour une folle entreprise

Cambrai par Thémis soit proscrit7 ,

Vos écrivains qui l’autorisent

Soutiendront tout ce qu’il a dit,

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Qu’un auteur en vers dogmatise

Contre Moïse et Jésus-Christ8

Et que de Pascal il médise,

Votre ordre tout bas l’applaudit.

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Qu’un archevêque tyrannise

Un savant qui vous contredit,

Chacun de vous le préconise

Et le pauvre auteur est proscrit.

Tout roule aujourd’hui dans l’Église

Sur Ignace et sur son crédit.

 

Quoique votre haine médise

Contre Vigier9 et son écrit,

Je l’approuve et je l’autorise,

Et je prétends, moi, qu’il soit dit

Qu’on roule aujourd’hui dans l’Église

Sans Ignace et sans son crédit.

 

Mon bréviaire est partout de mise,

Il sera partout introduit.

Se peut-il qu’il vous scandalise,

Vous qui n’en avez jamais dit,

Car on sait partout dans l’Église

Que vous vous l’êtes interdit10 .

 

Pour réformer mon entreprise

Vous m’offrez tous vos beaux esprits ;

Mais c’est par pure convoitise

Et vous vous êtes bien mépris,

Car le langage de l’Église

Ne fut jamais dans vos écrits.

 

Votre trouble en vain se déguise ;

On sait d’où vient votre dépit,

Vous pestez que l’on contredise

Votre très cher Unigenit11

Mais oserait-on dans l’Église

Jamais chanter ce qu’il nous dit ?

 

Assez longtemps à votre guise,

Mes Pères, vous m’avez conduit.

Pour vous j’ai fait mainte sottise,

Mais aussi j’en suis bien contrit,

Et je veux mourir dans l’Église

Sans Ignace et sans son esprit.

 

 

 

 

  • 1Le Père Linière, Jésuite, confesseur du Roi (M.).
  • 2Les mandements, lettres et instructions pastorales de M. de La Fare sur les affaires du temps ont toujours été flétris par le Conseil ou le Parlement. Mais les jésuites, à qui il vient de donner le collège de la ville malgré l’opposition des habitants, le dédommage de cette ignominie en le préconisant comme un martyr ou du moins comme un confesseur de la foi. Qu’il serait heureux si d’autres gens ne lui avaient jamais fait souffrir de martyre plus violent (M.).
  • 3 M. de Ségur, ancien évêque de Saint-Papoul, révoqua, il y a deux ans, l’acceptation qu’il avait faite de la Bulle (M.).
  • 4Languet, archevêque de Sens, a fait exiler une partie de ses curés dont tout le crime est de n’avoir pas voulu accepter un catéchisme moliniste dont il se dit auteur (M.).
  • 5M. Nivelle de La Chaussée, nouvellement reçu conjointement avec M. l’évêque de Mirepoix à l’Académie française. M. de Sens qui répondit au compliment de leur réception, loua beaucoup les talents de ces deux grands hommes qu’il mit au niveau l’un de l’autre ; il incline cependant plus pour le poète, qu’il exhorte de continuer à travailler pour le théâtre, ajoutant que les orateurs chrétiens trouveront moins d’obstacles aux fruits qu’ils désirent si les esprits étaient préparés par des pièces de théâtre aux vérités chrétiennes. Ce langage, digne de l’auteur de Marie à la Coque, l’était-il d’un archevêque et d’un prétendu défenseur de la foi ? (M.).
  • 6Mission comique faite à Amiens novissime par les jésuites et conduite par le Père Mauduit (M.).
  • 7Instruction pastorale de M. de Saint-Albin, archevêque de Cambrai, in-quarto. En huit cents pages et plus, ce prélat ou plutôt les jésuites qui l’ont composé, s’efforcent d’y prouver que les chrétiens ne sont point obligés de rapporter leur action à Dieu par amour (M.).
  • 8Voltaire, auteur de l’Épître à Uranie et des Lettres philosophiques (M.).
  • 9Auteur du nouveau bréviaire et prêtre de l’Oratoire (M.).
  • 10 Rien n’est plus scandaleux ni plus singulier que la Constitution de la Société qui défend le service divin à ses religieux, constitution à laquelle ils sont très fidèles. Serait-ce qu’ils ne croient point en Dieu ? (M.).
  • 11Pour faire sentir la justesse de cette réflexion de l’archevêque, il ne faut que prendre le contre-pied des propositions condamnées par la Bulle. Si l’on veut s’en donner la peine, il n’y a qu’à lire, dans un excellent livre intitulé La Vérité rendue sensible, un symbole qui s’y trouve, composé des propositions contradictoires à celle du Père Quesnel condamnées par la Bulle. Il commence par ces mots : Je crois en Dieu le Père qui n’est jamais assez puissant pour faire ce qu’il veut et qui ne saurait sauver une âme qui ne le veut, et il n’y a point d’âme quelque peu chrétienne qu’elle soit qui ne frémisse à la lecture de cette profession de foi, qui n’est pourtant, mot pour mot, que le dernier mot de la Constitution Unigenitus (M.).

Numéro
$5665


Année
1737 (Castries)




Références

Clairambault, F.Fr.12706, p.135 (premier couplet, air noté) - Clairambault, F.Fr.12706, p.154-160, imprimé avec de très abondantes notes non reprises dans notre copie -Maurepas, F.Fr.12634, p.88-93 -  Mazarine Castries 3986, p.376-82


Notes

Précédé dans l'imprimé par $5664