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L'Evangile des Jésuites

L’Évangile des Jésuites, tiré de l’Extrait publié par le Parlement
Sur l’air de Joconde
Slnd, 7 p. [1.bl]

Je suis compagnon de Jésus
Sans suivre sa doctrine,
Je n’imite point ses vertus,
Je n’en fais que la mine ;
L’Évangile qu’il a prêché
Condamne tous les crimes,
Mais le Jésuite sans péché
A bien d’autres maximes.

Prendre de l’or à toutes mains
Voilà notre doctrine,
Nous donnons leçons aux humains
De vol et de rapine,
De prêter à gros intérêts
Sans commettre d’usures,
D’emprunter sans rendre jamais,
De rire des parjures.

Nous savons flatter à propos
A la ville, en province,
Les libertins et les dévots,
Le faquin et le prince ;
Et pour en venir à nos fins
Nous changeons de langage,
De foi, de moeurs et de desseins,
Aussi bien que d’usage.

Le serment partout respecté
Jamais ne nous alarme,
Le mensonge et la vérité
Tour à tour a son charme ;
Des nôtres la religion
N’est que systématique,
Au moyen de l’intention
Tout est problématique.

Tuer un roi,nous dit Bécan,
C’est commettre homicide,
Mais en le jugeant un tyran
On n’est plus parricide,
Dirigez votre intention,
Ce crime abominable,
Devient une bonne action,
Même sainte et louable.

D’un mari sévère et gênant
Une femme discole,
Pour s’affranchir du joug pesant,
Vient chez nous à l’école :
Au fils trop pressé de jouir
Nous montrons la manière
De faire innocement périr
Son bon homme de père.

Voulez-vous de la chasteté
Violer la règle austère ?
Lisez Sanchez en son Traité,
Rien n’est plus salutaire ;
Vous y verrez qu’en cent façons,
Sans craindre la critique,
En changeant simplement les noms,
On peut être impudique.

Une fille peut sans erreur,
Sitôt qu’elle est en âge,
A tout venant enchérisseur
Vendre son pucelage ;
Et même au fruit de ses amours,
Dès avant sa naissance,
Trancher les trop malheureux jours,
Pour sauver la décence.

Chez nous l’ivresse est un péché,
Si l’on porte dommage
A sa fortune, à sa santé ;
Tel est notre langage,
Sinon buvez en sûreté,
Et même  outre mesure,
Notre Escobar l’a décidé,
Vaut-il pas l’Écriture ?

Nous nos servons des sacrements
Dès qu’ils nous sont utiles,
Ce sont pour nous des instruments
Et puissants et faciles ;
Nos confesseurs sont peu discrets,
A tromper fort habiles,
Pénètrent dans tous les secrets
De la cour et des villes.

Nous nous conformons tous à tous
Comme de bons apôtres,
De satisfaire à tous les goûts
C’est la mode des nôtres :
A Rome nous sommes chrétiens,
Mandarins à la Chine,
En Suède Luthériens,
Musulmans à Médine.

N’avoir enfin ni Dieu ni foi,
Faire bien la grimace,
De là dépend toute la loi
Des vrais enfants d’Ignace ;
Ricci promet son paradis
A qui sera docile,
Obéissant et très soumis
A ce saint Evangile.

Envoi aux soi-disants Jésuites
Mais le Sénat, des lois vengeur,
Vous juge des infâmes,
Avec vos livres pleins d’horreurs,
Il vous condamne aux flammes ;
Tombez sous les coups de Thémis,
Trop coupables victimes,
Rentrez d’où vous êtes sortis,
Au profond des abîmes.

 

Numéro
$3568


Année
1760




Références

L’Évangile des Jésuites, tiré de l’Extrait publié par le Parlement Slnd, 7 p. [1.bl] - BM Lyon: 809739 (imprimé) - F.Fr.12796