Sans titre
Je méprise l’hyperbole,
Ami de la vérité,
Mais je tiens gloire frivole
Celle de l’antiquité.
Les crimes de Caligula
Sont des crimes d’écoliers.
Près de ceux de nos Hercules
Je vois flétrir leurs lauriers.
Que votre orgueil s’humilie.
Jadis renommés tyrans,
Respectez sans jalousie
La malice de nos ans.
Plus adroit, plus politique
Qu’un paganisme abruti
Le vice aujourd’hui se pique
D’être chrétien et poli.
Souple et complaisant Ignace,
Évangéliste nouveau,
Si Rome dans sa disgrâce
Eût vu briller ton flambeau,
Revenant de ses scrupules
Et se dessillant les yeux
Des Nérons, des Caligules,
Elle eût fait des demi-dieux.
Par toi la fraude aplanie
Paraît sans obliquité,
Une adroite menterie
Ressemble à la vérité.
Si le pontife infaillible
Seconde tes intérêts,
Qu’il substitue à la Bible
Les œuvres de tes projets.
Dans l’Évangile à la mode
Étudions nos devoirs.
C’est là qu’avec la pagode
Christ partage ses pouvoirs.
C’est là qu’un heureux système,
Effort de la charité,
Aux lois de l’Etre suprême
Élève l’autorité.
Pour calmer la conscience,
Pour apaiser ses remords,
Comptons sur la suffisance
Des ingénieux ressorts,
De ces ressorts que la grâce
Enseignait à Molina.
Elle est toujours efficace
Aux élus de Molina.
Un nouveau cours de morale
Injustement combattu
En ligne oblique et spirale
Fait cheminer la vertu.
Sans que l’âme périclite
On pèche au pied de l’autel
Et par lui se facilite
Le salut du criminel.
Sans amour la pénitence,
Fruit des impuissants regrets,
De la divine clémence
Fait ressentir les effets.
Ne dites plus qu’avec peine
Vous êtes juste et pieux
Puisqu’un cœur rempli de haine
Force la bonté des cieux.
Comme pasteur, comme père,
L’architype du sauveur
D’une bulle salutaire
Nous fait sentir la faveur,
Tarquins, Nérons, Caligules,
Il vous manquait ces secrets.
Avec de semblables bulles,
Vous seriez héros parfaits.
F.Fr.15141, p.102-06 - Besançon BM, MS 561, p.55-56