Le Supplice de Baudrier
Le supplice de Baudrier1
Hérault, ministre exécuteur
Du manège jésuitique,
Cesse désormais d'avoir peur.
Pourquoi cette terreur panique,
Et d'archers ce nombre infini
Pour escorter un misérable2
?
Il sait que tu ne l'as puni
Que parce qu'il n'est pas coupable,
Et qu'il soutient la vérité
Du dogme de la sainte Église,
Dont ton cœur ne s'est écarté
Que par esprit de convoitise.
Tu sens comme tous les méchants
Les remords de ta conscience ;
La noirceur de tes jugements
Bannit de chez toi l'assurance.
A la naissance du Sauveur,
Tel fut d'Hérode le salaire ;
Il ne put rassurer son cœur
Quelque massacre qu'il pût faire ;
Le ciel qui cherche à te toucher
T'a déjà privé de ta femme,
Ton frère est prêt à succomber3
;
Un autre est mort d'un mal infâme4
.
Attends donc comme Pharaon
Le comble du courroux céleste
Et qu'indigne de tout pardon,
Des tiens tu détruises le reste.
Pour nous charger d'indignes fers
En tous lieux tu viens nous poursuivre ;
Et nous, des tourments des enfers,
Nous prions Dieu qu'il te délivre.
Quoi que tu fasses, calme-toi,
Jésus-Christ veut qu'on sacrifie
A l'amour de la sainte loi,
Les biens, le repos et la vie.
Des maux que l'on nous aura faits,
Il se réserve la vengeance.
Les martyrs n'opposaient jamais
La révolte à la violence ;
On vit le culte des païens
S'établir par l'effort des armes ;
Mais le triomphe des chrétiens
Est la foi, la paix et les larmes.
- 1Vers sur le nommé Baudrier mis au carcan à Paris pour avoir colporté des ouvrages contre la Constitution (F.Fr.10475)
- 2« Le jour qu'il a fallu l'exposer, le peuple s'assembla, et on le regardait comme un martyr ; il y eut même quelques prêtres arrêtés qui se préparaient à chanter le Te Deum. On ne l'exposa point, mais deux jours après il a été mis avec grande compagnie d'archers, et il n'a point chanté. Le jugement est affiché par tout Paris. Il a répondu dans son interrogatoire comme un fanatique ; il est banni pour six ans. » (Correspondance de Marais.) (R)
- 3L'abbé avait essuyé l'opération de li…[sic] (M.) (R)
- 4Il était mousquetaire ; la chronique dit qu'il s'était enfermé avec une fille pendant huit jours, et qu'il s'en était tant donné qu'il tomba d'épuisement dont il est mort. (M.) (R)
Raunié, V,213-15 - Clairambault, F.Fr.12699, p.548B - F.Fr.10475, f°30 - F.Fr.13655, p.349-51 - Stromates, I,3-5 - BHVP, MS 602, f°130r-131r