Ode apologétique pour la défense du Père Girard
Ode apologétique pour la défense du Père Girard1
Vous qui de l’équitable Astrée
Tenez la balance à la main,
Déesse également sacrée
Dont l’oracle est toujours certain,
Vous qui sans art et sans parure,
Telle qu’on nous peint la nature,
Brille par sa simplicité,
Vous qui du couchant à l’aurore
Partout on invoque, on adore
Sous le nom de la vérité.
Venez, lumière la plus pure,
Dissiper la fable et l’erreur ;
Venez confondre l’imposture
Qui se répand avec horreur
L’ordre sacré du sacerdoce
Voir diffamer d’un crime atroce
L’oint du Seigneur et son élu.
On veut que sur un tas d’années
De mille vertus couronnée
La grâce n’ait point prévalu.
Vérité trop longtemps cachée
Que cet illustre infortuné
Avec tant de fruit a prêchée,
L’auriez-vous donc abandonné ?
Vous devez trop à sa mémoire ;
Songez qu’il y va de la gloire
Du Dieu dont vous suivez la loi.
Il s’intéresse à sa défense,
En recouvrant son innocence,
Vous allez raffermir la foi.
Impitoyable renommée,
Quel juste persécutes-tu ?
Hélas, tantôt bien informée
Tu ne prônais que sa vertu !
Vous, de votre infamie avides,
Zoïles, langues homicides,
Jusqu’à quand sur nos autels
Où tout retentit de louanges
A la pureté de nos anges,
Porterez-vous des coups mortels ?
L’interprète de tes oracles
N’est donc plus qu’un loup ravissant ?
Grand Dieu, montre-nous tes miracles.
Ce fantôme devient puissant.
Quelles détestables idées !
Mais sur quoi sont-elles fondées ?
Hélas, un écrit supposé,
Une fanatique rusée,
Prêt à se voir exorcisée,
Sont les crimes de l’accusé.
Défenseur de la foi naissante,
Prince de tous ses droits jaloux,
Vous, dont l’autorité puissante
Ne voit rien au-dessus de vous,
Qu’il est beau de vous ouïr dire :
Quand je verrai dans mon empire
Le ministre de l’Éternel
Tout prêt à donner le scandale,
J’irai de ma pourpre royale
Couvrir l’horreur du criminel.
Hélas, généreux prosélyte,
Que ne régnez-vous parmi nous !
Peu s’en faut que la foi détruite
Ne soit expirée avec vous,
Ni la charité bienfaisante
Ni la chaire reconnaissante
Qui parlent tout pour l’accusé.
Ce que doit à son ministère,
Les égards pour son caractère,
Rien n’arrête un peuple abusé.
Je hais le profane vulgaire.
Qu’il est dangereux et malin !
Tisiphone, Alecton, Mégère
Ont moins de fiel et de venin.
Cet animal à plusieurs têtes
Reçoit des bouches indiscrètes
La fable avec avidité,
Il la compose et il l’altère,
Ajoutant glose et commentaire
Au charme de la nouveauté.
Sans entreprendre la défense
Du ministre déjà proscrit
Qui peut douter que son offense
Ainsi que l’ordre le prescrit
Ne sera jamais
Qu’après le jugement d'Astrée.
Jusqu’alors monstres indomptés
Par vos infâmes calomnies
Rentrez, gorgones et furies,
Dans les enfers dont vous sortez.
La Doctrine, faible rivale
De la doctrine qu’elle suit,
Croit-on qu’elle se prévale
Du mensonge qui la séduit ?
Mais non le parti respectable,
Contraire au parti redoutable
Du quiétisme prétendu,
N’appellera point au concile
Une fois que le juge habile
Les imposteurs ait confondu.
Sans la soupçonner d’aucun vice
L’homme aussi prudent qu’éclairé
Attend en paix que la justice
Du dédale l’ait tiré.
Héraut sacré de l’Evangile,
Comme nous seriez-vous fragile ?
Ainsi pensent les imposteurs.
Mais la vérité s’en irrite.
Si vous aviez moins de mérite
Vous auriez plus de défenseurs.
- 1Apologie du Père Girard, très obscure (Castries)
Clairambault, F.Fr.12702, p.187-92 - Maurepas, F.Fr.12632, p.230-34 - F.Fr.15133, p. 59-67 - F.Fr.15145, p.378-87 - F.Fr.15231, f°87 - F.Fr.23859, f°7 - F.Fr.15243, f°107-108 - Arsenal 3116, f°135v-137v - Mazarine Castries 3985, p.125-30 - Turin, p.29-34
Réfutation du poème en $1894 et $1896