Calotte pour Mlle de Saint-Antonin
Calotte pour Mlle de Saint-Antonin
Nous, général de la Calotte,
Ayant pris de nouvelles notes
Et examiné mûrement
Qu’a besoin notre Régiment
Pour le moins d’une vivandière,
Étant pourvu de lavandière,
De lunetière et de moucheur,
De sergent et de décrotteur,
D’enterre-mort, d’apothicaire,
Prenant soin comme il convient faire
En temps et lieu de nos soldats
Que souvent dans bien plus d’un cas
Nous, dont la grande vigilance
Serait bien peu sans la prudence,
Pensons qu’en un corps bien réglé
Rien de tout ne doit pas manquer,
Croyant donc qu’une vivandière
Est absolument nécessaire,
De l’aveu de notre conseil
Tenu dans un jour solennel,
Avons donné lettres patentes
De calotte par les présentes
En faveur du corps le plus laid.
Mais il faut éclaircir un fait
S’il est mâle ou s’il est femelle,
Ce qu’après un rapport fidèle
Fait par Girard, bien nous savons.
À cet effet le commettons,
Le connaissant pour être habile
À visiter fille docile.
Mais comme pour tous ses hauts faits
Nous savons qu’il est aux arrêts,
Pouvoir donnons à son confrère
De Sabatier dans cette affaire,
À la charge que dans huit jours
Sans barguigner et sans retour
Il nous fera rapport fidèle
Si c’est corps mâle ou bien femelle.
Entendons que ce soit gratis.
Mais pourtant comme les habits
Nous disent qu’elle n’est pas mâle
Comme on le dirait à sa taille,
Vivandière nous la nommons.
Que si pourtant nous apprenons
Que l’on s’est trompé sur son compte
Et si de son sexe à sa honte
On trouvait son corps travesti
Nous la donnerons pour mari.
En attendant de vivandière
À Pagane [?] la lavandière
Et comme Legrand sûrement
Plaît à Borry infiniment
Nous permettons vaille que vaille
Qu’elle tire à la courte paille
Pour savoir qui des deux l’aura
Certain qu’elle s’en louera.
Car si, Dieu merci, c’est un mâle
Il servirait une cavale
Mais comme l’usage constant
Qui règne en notre Régiment
Veut qu’on nomme le personnage
De crainte que quelqu’un peu sage
Vint à quelqu’autre attribuer
Les traits que l’on veut lui donner
Il ne faut pas que l’on ignore
Le nom de celle qu’on abhorre,
Parce que l’on sait bien pourquoi
Elle a pris le honteux emploi
De se déclarer partisane
Autant que Barry et Pagane
D’un misérable papelard
Connu sous le nom de Girard
Qu’aux portraits que l’on vient de faire
Nous croyons bien peu nécessaire
De la nommer à cette fin.
Nommons-la donc Saint-Antonin
Si vous voulez, Saint-Antonine
D’une structure gigantine
Dont l’air soudard [?] de bonne foi
La rend propre à ce noble emploi.
Suivant notre bonne pratique
Nous en rendons l’acte authentique.
L’an et le jour qu’au parlement
Affiché fut impunément
Sans qu’on osât vengeance en prendre :
Céans la justice est à vendre.
F.Fr.23859, f°166r-167r