Aller au contenu principal

Calotte pour Dlles Bertot et Robert

Calotte pour Dlles Berton et Robert
Aujourd’hui, onze du courant,
Nous, général du Régiment,
Ayant convoqué l’assemblée
À la manière accoutumée,
Est comparu Pierre Honoré,
Dans la troupe fort révéré,
Qui, voulant remplir avec zèle
Le dû de sa charge nouvelle
Et montrer pour nous son amour,
Nous a dit qu’en faisant son tour
En homme savant et habile
Il a découvert dans la ville
Une fille de grand renom :
Thérèse Berton est son nom,
Qui prend si fort à cœur l’affaire
De Girard, notre apothicaire,
Que sans aucun ménagement
Elle injurie impunément
Ceux d’une opinion contraire,
Dédaignant même la colère
De son frère le procureur,
N’écoutant rien dans sa fureur ;
Qu’avec une ardeur héroïque
Cette Demoiselle s’applique
À détourner de toutes parts
Les traits qu’on décoche à Girard,
Et que méritant récompense
De prendre si bien sa défense
Nous devons tout présentement
L’enrôler dans le Régiment.
Nous, général de la Calotte,
De tous ces faits ayant pris note,
De l’avis de notre conseil,
Croyant qu’il n’est rien de pareil
À l’ardeur qu’elle a de nous plaire,
De servir notre apothicaire
Et s’il se peut de le blanchir ;
Qu’elle montre un pressant désir
D’être par lui stigmatisée
Et dans cette belle pensée
Afin de mieux le mériter
Qu’elle va partout publier
Que le mal qu’on dit de ce père
N’est qu’illusion et chimère,
Nous l’admettons dès à présent
Dans notre illustre Régiment
En qualité de blanchisseuse,
La croyant assez vertueuse
Pour remplir cette fonction
Avec beaucoup d’affection.
De plus voulons qu’on lui apprête
Grande calotte pour sa tête
Qu’elle mettra dans tous les temps
Pour conserver mieux son bon sens
Qu’elle n’a jamais fait paraître
Et voulant lui faire connaître
Que ses pas, ses soins assidus,
Ne seront point du tout perdus.
Lui assignons pour récompense
Et subvenir à sa dépense
Tous les dommages et intérêts
Qu’à Girard seront adjugés
Contre Cadière et ses [?]
Pour leurs calomnies outrées.
Avons encore découvert
Que la Demoiselle Robert
Qu’avec tort on nomme coquette,
Effrontée, insolente et bête,
Prend comme elle beaucoup de part
En l’affaire du père Girard,
Nous lui donnons une calotte
De beaucoup plus grande et plus haute
Qu’on ne l’a donnée ci-devant
De peur que le soleil ardent
Ne lui gâte son beau visage.
De plus, attendu le grand âge
De la nommée ci-dessus,
Ayant part à ses revenus
Nous voulons qu’elle soit son aide
Et qu’en cas de mort lui succède.
Fait et publié chez Momus
L’année et le jour ci-dessus
Que la pure et vraie innocence
Fut condamnée à la potence.

 

Numéro
$2039


Année
1731




Références

F.Fr.23859, f°152r-153r