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Poème

Poème
Vérité de tous temps si chère parmi nous,
A mes justes désirs vous refuserez-vous ?
Ah, non, je sais trop que la chose vous touche.
Il est temps de parler, servez-vous de ma bouche.
Déjà la renommée apprend que dans Toulon
Le vieillard est épris des attraits d’un tendron,
Qu’héritant de l’esprit des descendants d’Ignace
Il sait associer l’amour avec la grâce,
Et bien peu de mortels, rebelles à sa loi,
De ses pièges subtils garantissent leur foi.
Ses sermons sont goûtés, la Provence abusée
Approuve avec plaisir une doctrine aisée.
A quoi sert en effet d’imiter Augustin ?
Le Ciel nous est ouvert par un autre chemin.
Le monde avec raison a banni le scrupule,
Comme un autre Évangile on accepte la Bulle.
Pour remplir les devoirs de la religion
Il suffit à présent d’avoir l’intention.
Escobar nous l’apprend ; croyons en ce saint homme :
Son précepte est conforme aux maximes de Rome.
C’est ainsi que Girard par sa sainte morale
Tâche, mais vainement, de gagner la vestale.
Confus, désespéré, mais fertile en détour
Il a de la Guiol emprunté le secours.
Ah, soleil, c’est assez ; borne là ta carrière,
A des forfaits si noirs prêtes-tu ta lumière ?
J’entends qu’elle lui dit, O Dieu quel directeur !
Reconnaissez enfin quel est votre bonheur.
A ses saintes leçons mettrez-vous des obstacles ?
Le Ciel en sa faveur fera voir des miracles,
Il me semble voir Dieu se servir de sa main
Pour vous graver, ma sœur, une croix dans le sein.
Je vous dis qu’avec lui rien n’est illégitime ;
De suivre ses conseils croyez-vous faire un crime ?
Il ne parle jamais que de la vérité.
Qu’a pour vous d’effrayant le mot de Crescite ?
Il vous dit qu’un chrétien serait une âme impure
S’il n’en écoutait pas ce que dit l’Écriture.
Quoi, n’a-t-il pas raison ? Il en fallait autant
Pour gagner jusqu’au bout son esprit innocent.
Discours empoisonnés, morale séduisante :
La Cadière le crut en humble pénitente.
Il n’est pas surprenant que par un tel détour
Girard sut triompher des rigueurs de l’amour.
Elle succomba donc ; notre saint fanatique
Contentait à son choix son ardeur impudique.
Cependant le Très-Haut sur son trône éternel
Vit nourrir à regret cet amour criminel
Et jetant sur la fille un regard favorable
Il lui fit confesser le crime et le coupable.
Que fîtes-vous, grand Dieu ! A peine elle l’eut dit
Qu’on la taxa d’abord d’avoir perdu l’esprit.
De mille et mille maux on l’avait accusée ;
Par un fade prélat elle est exorcisée.
On l’enferme, on la met dans un triste couvent
Défense de clamer, quel procédé criant !
Cependant on poursuit pour savoir le mystère.
Aldebert est nommé pour être commissaire.
Dans les interrogats, on n’attendait pas moins,
Il a, le dirons-nous, suborné les témoins.
Le crime est impuni, ce n’est plus qu’injustice.
Le juge avec plaisir voit triompher le vice.
Mais qu’on ne pense pas que sans cesse endormi
Dieu laisse avec orgueil triompher l’ennemi.
Les méchants périront, la voix du sang du juste
Monte pour le fléchir jusqu’à son trône auguste.
Déjà, déjà sa main s’appesantit sur eux :
Le tourment qu’il diffère en sera plus affreux.

 

Numéro
$1978


Année
1731




Références

F.Fr.23859, f°56v-57v - Turin, p.64-67 et 262-64