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Calotte pour MM. Honoré, avocat; Grégoire, marchand; et Patot, clerc

Calotte pour MM. Honoré, avocat ;
Grégoire, marchand et Patot, clerc
Pour mettre tout dans la balance
Et pour qu’aucun ne puisse mordre
À nos édits et règlements
Nous voulons tout présentement
Qu’un brevet à tous fasse entendre
Que nous avons dessein de rendre
Pleine justice à qui de droit,
Et comme tout le monde croit
Que le soin, les peines, le zèle
Et l’attention fidèle
Que prend Sire Pierre Honoré,
Des croquants ami déclaré,
L’intérêt qu’il prend en l’affaire
De Girard, notre apothicaire,
Et maintes autres bonnes raisons
Qu’en son temps nous expliquerons
Et que nous avons mis en note,
Nous, général de la Calotte,
Connaissant ses talents exquis,
Son goût pour tous les bons écrits,
Sa friandise non commune,
Son dévouement à la fortune
Et sur le tout sa vanité
Puisqu'il s’est lui-même vanté
Qu’en l’année mil sept cent treize
Où l’on ne mangea point de fraise,
Au seul mérite de son nom
On déféra le chaperon,
Et comme nous sommes bien aise,
Même aux jaloux qu’il n’en déplaise,
De récompenser ses talents,
Nous commandons par ces présents
A Girard, notre apothicaire,
Que dès qu’il sortira d’affaire,
Il ordonne à son défenseur
De le nommer pour successeur
En l’accessorat de la ville,
Et le connaissant très utile
Pour le service, en attendant
Nous le nommons dès cet instant
Pour marquer notre gratitude
Et le lever d’inquiétude
Archer de notre Régiment,
Qu’il en reçoive compliment,
Voulons, quoique sa femme en gronde,
Qu’il fasse tous les soirs caronde [sic]
Aux cours, aux portes des maisons
Pour entendre maintes raisons
Toutes sales et ordurières
Qu’on dit de notre apothicaire
Et qu’il en fasse le rapport
À Girard et à ses consorts
Afin qu’ils prennent leurs mesures
De peur de sinistre aventure.
Mais comme le serein mordant1
Peut lui causer un mal de dent
Et de la douleur à la tête,
Une calotte est toute prête
Qu’on lui destine à ce sujet.
Pour accomplir notre projet
Voulons qu’à l’égard des sonnettes,
Papillons, grelots, girouettes
Il en soit encore bien fourni
Par Merigan2 son bon ami,
Homme unique dans son espèce,
Plus fou que sage de la Grèce,
Qu’on appelle divertissant
À cause de son seul accent
Et de sa bouffonne figure
Telle, ma foi, je vous assure
Qu’on ne peut le voir à l’instant
Sans rire aux larmes, et partant
De l’aveu du conseil solide
Dont nous sommes le sage guide,
Le tout fort bien considéré
Merigan sera déclaré
Bouffon de notre Régiment
Pour que par son jargon burlesque
Et sa contenance grotesque
Il fasse rire nos soldats
En temps de paix et de combat,
La nuit, le jour, bref à toute heure.
Pour ne pas rester en demeure
Et donner aux nouveaux élus
De légitimes revenus,
Nous leur déléguons par avance
Tous les profits qu’en conscience
Sire Honoré tirera
De tous les gratis qu’il fera
Aux expéditions de Rome3
Ce qui peut former une somme,
Laquelle étant jointe au produit
Que nous procurera le fruit
Sur les chansons toutes nouvelles
De notre moucheur de chandelles,
De Grégoire que chacun sait
Avoir l’esprit aussi bien fait
Que tout le reste de sa taille
Qui lient bien fort de la médaille [?]
Nous voulons que de ces profits
Il en soit mis a remotis
Pour subvenir à la dépense
Que nous destinons par avance
À reconnaître le labeur
De Patot, notre décrotteur.
Voilà, je crois, toute la bande
Dans la niche qu’elle demande.
Fait et publié chez Momus
L’année que Dame Justice
Voyant récompenser le vice
A fui pour ne revenir plus.

 

  • 1Rosée fraîche et nuisible en Provence.
  • 2Procureur. (M.)
  • 3Il est banquier expéditionnaire. (M.)

Numéro
$2036


Année
1731




Références

F.Fr.23859, f°148r-149v