Calotte de M. Charleval
Calotte pour M. de Charleval
Nous, colonel du Régiment,
Établi par notre mérite,
Girard, de qui chacun débite
Les exploits les plus éclatants,
Seigneur de Gomorrhe et Sodome
Où l’on immole tous les ans
Quelque cent des plus jolis hommes
Pour nous servir d’amusement,
Ayant vu par cette requête
Que le Sieur abbé Tamerlet
Reconnu comme homme de tête,
Ce qui lui fait donner brevet
De cocher de notre cortège
Avec honneur et privilège,
Attendu que chaque matin
Il galope comme un lutin,
Ayant soin de se tenir leste
Pour mener le plus promptement
Le sieur d’Ansouis, notre intendant,
À nous, son féal confident,
Dans l’endroit où l’on nous conteste
Nos intérêts les plus pressants
De peur que s’ils étaient absents
Notre affaire ne vînt en perte
Ce qui le met si bien alerte.
Nous a de plus représenté
Qu’il a toujours été porté
À nous dévouer ses services
Comme est de notoriété
Que ses exploits ont mérité
Ce brillant et pompeux office.
À ces causes, nous le nommons
Par ces présentes ; nous voulons
Qu’icelui soit par préférence
Le cocher de tous les soldats,
Aumônier de tous magistrats
Qui sont sous notre obéissance.
Voulons que pour ses revenus
On le maintienne en tout abus,
Ventes, achats et simonie
Sans que nul puisse en discourir
Car nous voulons bien le souffrir.
Voulons qu’on fourre sa calotte
Du poil de quelque vieille motte
Pour marque de ses plus beaux talents
Et que le présent on remette
Aux archives de Saint-Sauveur
Dont le chapitre fasse fête
D’un prévôt si rempli d’honneur.
Fait en l’an que Dame Justice
Ayant sur ses yeux un bandeau
Protégeant le crime et le vice
Vexe la colombe et l’agneau.
F.Fr.23859, f°168